Jean II le Bon (1319-1364) roi de France, vers 1350, bois, 0,60 x 0,44
Ce portrait sur fond d'or est la plus ancienne peinture de chevalet française conservée. C'est aussi le premier exemple européen d'un portrait indépendant - c'est-à-dire isolé et non pas au sein d'une vaste composition - et qui ne soit pas d'inspiration religieuse. Le roi Jean Le Bon est montré de profil, suivant en cela le modèle des médailles mais aussi parce que la technique picturale de la fin du Moyen Age, ignorant le modelé, ne parvenait pas à représenter des modèles ressemblants de face.
Jean Le Bon règne de 1350 à 1364. C'est son fils, Charles V, qui transformera la forteresse du Louvre, bâtie par Philippe-Auguste, en résidence royale. L'absence de couronne sur le portrait s'explique peut-être par le fait qu'il n'est alors pas encore roi de France mais simplement duc de Normandie.
002. Enguerrand Quarton, connu de 1444 à 1466
Pietà de Villeneuve-lès-Avignon, vers 1455, bois, 1,63 x 2,18
Important représentant de l'Ecole d'Avignon du XVe siècle, Enguerrand Quarton fait ici de la Vierge le personnage principal de sa Pietà. Pietà vient de l'italien compassion et désigne la scène où les fidèles pleurent Jésus mort, avant sa mise au tombeau. C'est un thème courant au Moyen Age, mais la Pietà de Quarton se distingue de celles de ses contemporains par l'attitude résignée et recueillie d'une Vierge confiante dans la résurrection de son fils.
Image de la douleur mais surtout de l'acceptation du sacrifice, la Vierge, austère, domine sa souffrance et prie, son fils sur les genoux.
Madeleine, pécheresse repentie, s'incline sous le poids du chagrin. Elle essuie ses larmes d'une main pendant que l'autre présente le vase à parfum. Elle s'apprête à en oindre le corps du Christ, avant la mise au tombeau.
Le vase à parfum est l'un des attributs traditionnels de Madeleine : elle a inondé les pieds de Jésus de parfum avant de les essuyer avec ses cheveux, en signe d'humilité, lors d'un repas chez Simon.
Un geste rare dans l'iconographie religieuse : saint Jean, apôtre bien aimé du Christ, retire délicatement la couronne d'épines de la tête du Seigneur.
L'inscription en latin, paroles sans doute proférées par la Vierge, est empruntée aux Lamentations de Jérémie, un des Livres de la Bible. Elle signifie : " O vous qui passez par ce chemin, regardez et voyez s'il est douleur pareille à la mienne ".
En retrait des personnages bibliques, le donateur qui a commandé l'œuvre est le chanoine de l'Eglise Saint-Agricol d'Avignon. Illuminé par la ferveur, il n'ose tourner son regard vers les personnages sacrés qu'il côtoie.
La silhouette de Jérusalem, avec l'Eglise du Saint-Sépulcre et sa coupole, est partiellement imaginaire car Enguerrand Quarton, comme la plupart des peintres du XVe siècle, ne s'est jamais rendu en Terre Sainte.
003. Jean Fouquet, 1420-1477/81
Charles VII (1403-1461) roi de France, vers 1445-1450, bois, 0,86 x 0,71
Avec ce portrait qui offre l'image officielle du souverain Charles VII, Jean Fouquet, grand peintre français du XVe siècle, inaugure une nouvelle tradition de portrait officiel : c'est le premier portrait indépendant, à mi-corps, grandeur nature et presque de face que la peinture occidentale ait conservé. On retrouve son influence par la suite notamment dans le Portrait de François Ier par Jean Clouet.
L'inscription " Le très victorieux Roy de France " portée sur le cadre a vraisemblablement été rajoutée un peu plus tard. Elle ferait allusion aux victoires des troupes qui libèrent, en 1453, la France de l'invasion anglaise et mettent un terme à la Guerre de Cent ans.
Représenté ici sans couronne ni blason royal mais avec un air boudeur et fatigué, Charles VII règne de 1422 à 1461. Il réussit à reconquérir la France grâce à l'aide de Jeanne d'Arc qui le fait sacrer roi de France à Reims en 1429.
La lumière vive et la touche minutieuse mettent en valeur le luxe des tissus : velours, fourrure, brocart et ganse d'or.
Pierre II sire de Beaujeu duc de Bourbon (1439-1503) présenté par saint Pierre, vers 1492-1493, bois, 0,73 x 0,65
Ce portrait de saint Pierre et de Pierre II de Bourbon, mécène de Jean Hey, dit aussi le Maître de Moulins, fait la synthèse entre les cultures picturales flamande et française. Comme chez les Flamands, le paysage recèle de nombreux détails, tandis que le visage du duc est traduit avec moins de minutie et plus de sens du volume et du modelé. L'œuvre forme la partie gauche d'un triptyque démembré au XVIIe ou XVIIIe siècle, époque où la peinture du Moyen Age semblait sans valeur.
Saint Pierre, premier disciple et l'un des 12 apôtres du Christ est institué chef de son Eglise. Saint Pierre apparaît ici muni de ses attributs traditionnels : les clefs du paradis. Il présente le donateur aux personnages sacrés qui devaient se situer sur le panneau central du triptyque, aujourd'hui disparu. Pierre II, duc de Bourbon, est l'époux d'Anne de Bourbon, elle-même fille de Louis XI. Commanditaire de ce retable, il y figure à ce titre en bonne place. Pierre II est représenté en costume quotidien car le panneau devait vraisemblablement être placé dans une chapelle privée. Derrière une large baie, ce paisible paysage du Bourbonnais, avec ses églises, ses collines et ses nombreux détails, est proche de l'art flamand.
005. Anonyme. Ecole de Fontainebleau
Diane chasseresse, vers 1550, toile, 1,91 x 1,32
Ce portrait métaphorique de Diane de Poitiers, maîtresse du roi Henri II, illustre l'idéal pictural de l'Ecole de Fontainebleau* qui s'épanouit en France au XVIe siècle sous l'influence des artistes italiens appelés par François Ier pour la décoration du château. Sophistiquée, un peu froide et lointaine, cette Diane mythologique à la chair lisse et aux formes allongées est traitée avec recherche.
Dans la tradition mythologique, la lune qui décore son front est la planète associée à la déesse Diane, sœur jumelle d'Apollon. Diane, déesse de la chasse est souvent représentée avec ses attributs : l'arc et le carquois. Elle a choisi de garder sa virginité et d'habiter les forêts où elle chasse avec ses compagnes. Plus qu'un portrait, Diane chasseresse est aussi un tableau qui montre l'intérêt des artistes de l'Ecole de Fontainebleau pour la nature et le paysage.
006. Jean et François Clouet, vers 1485-1540/41 et vers 1505/1510-1572
François Ier (1494-1547) roi de France, vers 1530, bois, 0,96 x 0,74
Jean Clouet et son fils François, qui collabora peut-être au tableau, montrent dans ce portrait d'apparat de François Ier, roi de France entre 1515 et 1547, le prestige et l'humanisme d'un monarque ami des arts et des lettres. La précision et la préciosité des détails apparentent cette œuvre contemporaine de l'Ecole de Fontainebleau au courant du maniérisme.
Tout le prestige du roi émane de son costume d'apparat dont le pourpoint est brodé de fils d'or, les larges manches bouffantes étant faites de satin et de velours.
Le luxe s'exprime aussi dans les accessoires comme cette lourde chaîne d'or et de perles ornée d'un pendentif.
...un petit chapeau de velours noir piqué de plumes de cygne et de pierres précieuses.
Si le roi est représenté sans couronne, celle-ci apparaît néanmoins sur l'étoffe pourpre qui sert de fond au tableau.
Les entrelacs brodés sur le fond clair du costume et qui ornent les pierres rectangulaires du collier reprennent le motif de la cordelière emblématique héritée de Louise de Savoie, mère de François Ier.
007. Anonyme. Ecole de Fontainebleau
Gabrielle d'Estrées et une de ses soeurs, vers 1595, bois, 0,96 x 1,25
Acquise par le musée en 1937, cette œuvre un peu étrange est représentative du goût de la seconde Ecole de Fontainebleau*, active en France à la fin du XVIe siècle. Le thème de "la dame à la toilette", souvent traité par cette génération d'artistes qualifiés de "maniéristes"*, ne doit pas masquer le sens caché du tableau : une référence à la vie privée de deux femmes, Gabrielle d'Estrées, maîtresse de Henri IV et l'une de ses sœurs.
La blonde Gabrielle d'Estrées a quitté à 19 ans son mari Nicolas de Liancourt pour devenir la favorite du roi Henri IV, marié à Marguerite de Valois. Gabrielle d'Estrées lui donnera trois enfants.
Brune, mais ressemblant trait pour trait à la blonde Gabrielle d'Estrées et portant la même perle à l'oreille, la jeune femme à sa gauche pourrait être une de ses sœurs, la Duchesse de Villars ou la Maréchale de Balagny.
En robe rouge comme la couleur du rideau qui encadre théâtralement la scène, une servante, à l'arrière-plan, prépare les langes du futur nouveau-né.
La main qui pince le téton de Gabrielle fait allusion à la maternité de la jeune femme qui porte alors le premier fils qu'elle aura de Henri IV : César de Vendôme, né en 1594.
Dans la main gauche de Gabrielle d'Estrées : la bague montre son lien amoureux avec le roi.
008. Lubin Baugin, vers 1612-1663
Nature morte à l'échiquier, vers 1630-1635, bois, 0,55 x 0,73
Au-delà des objets représentés, la nature morte* de Lubin Baugin offre une allégorie des cinq sens, thème souvent représenté à l'époque : la vue est symbolisée par le miroir, l'ouïe par l'instrument de musique, l'odorat par l'œillet, le toucher par l'argent et les cartes et le goût par le pain et le vin. Mais c'est aussi une vanité*, c'est-à-dire un tableau qui parle de la mort : le miroir ne reflète rien, les objets (pain, fleurs) sont périssables et, comme les jeux et l'instrument, ils ne flattent qu'un plaisir terrestre.
Selon certaines interprétations, la grosse perle, symbole de luxure, et la mandragore luthée, instrument léger et facilement transportable, trahiraient une présence féminine. Une allusion renforcée par le valet de trèfle posé sur une carte de cœur qui désignerait une femme de vertu incertaine.
Le jeu comme les cartes et l'échiquier et l'argent à travers la bourse pleine, sont des composantes courantes des vanités : tous deux disent les plaisirs éphémères de la vie terrestre.
Pain et vin, associés au goût dans l'allégorie des cinq sens, rappellent aussi l'Eucharistie. Opposés aux objets futiles que sont les jeux, les bijoux, l'argent ou l'instrument de musique, ils donnent un sens moralisateur au tableau.
Ce curieux miroir ne reflète rien, alors qu'il symbolise la vue dans l'allégorie des cinq sens. En effet, il évoque les effets destructeurs du temps et la vie qui s'efface.
009. Valentin de Boulogne, dit Le Valentin, 1594-1632
Le Concert au bas-relief, vers 1622-1625, toile, 1,73 x 2,14
Valentin de Boulogne reprend ici le thème du concert ainsi que la technique du clair-obscur, tous deux chers à Caravage*, le peintre italien mort en 1610 qui l'influencera sa vie durant. Mais il donne à cette scène de cabaret qui s'organise autour du socle de pierre sculptée, une dimension poétique personnelle : chacun des personnages, buveur ou musicien, adulte ou enfant, le visage pensif et le geste figé, semble perdu dans ses rêveries.
Cette pierre en bas-relief, technique de sculpture qui fait ressortir d'un fond figures ou objets, est le pivot central de la scène. Elle donne son nom au tableau.
Le visage de l'enfant, sur lequel le spectateur pose son regard en priorité, traduit une vision angoissée de l'humanité.
Entouré de trois musiciens, le chanteur cherche dans son répertoire le morceau a interpréter. Le concert n'a peut-être pas commencé.
Le buveur qui se verse du vin indique que la scène du concert se passe bien dans un cabaret, thème souvent repris par Valentin dans ses tableaux.
010. Georges de La Tour, 1593-1652
Le Tricheur (à l'as de carreau), vers 1635, toile, 1,06 x 1,46
Aujourd'hui reconnue comme un chef-d'œuvre de La Tour, cette peinture illustre une scène de tripot en clair-obscur*, dans laquelle trois personnages sont complices face à un jeune homme naïf soumis à trois tentations majeures : le jeu, le vin et l'amour charnel. L'artiste reprend ici un thème rendu populaire par l'italien Caravage qui, au début du XVIIe siècle, influence ceux qui, comme La Tour, seront plus tard appelés les "peintres de la réalité".
Cette femme, luxueusement vêtue et au curieux visage ovoïde, possède les attributs de la courtisane : les perles. Symbole de pureté au Moyen Age, elles sont, depuis la Renaissance, liées à l'amour sensuel et vénal.
Autre signe de la vie licencieuse, portée cette fois par le jeune homme : la toque à plumes.
Ce geste peut coûter très cher à son auteur. A l'époque, le tricheur pris en flagrant délit peut être excommunié et envoyé aux galères.
Le turban de la servante au regard oblique a été orné de son aigrette noire à la fin du XVIIe siècle quand le tableau a été élargi de dix cm en haut. L'époque trouvait en effet le cadrage trop serré.
Certains historiens de l'art pensent que La Tour, dont on ne connaît pas de portrait, s'est dépeint sous les traits du tricheur.
011. Georges de La Tour, 1593-1652
Saint Joseph charpentier, vers 1640, toile, 1,37 x 1,02
Voici un exemple de tableau "nocturne" de La Tour, c'est à dire éclairé artificiellement par la lumière d'une bougie. Saint Joseph charpentier appartient à la veine d'inspiration religieuse du peintre, qui aborde son sujet à la manière d'une scène de genre*, montrant le geste d'un vieux travailleur observé par son fils. Le thème de la dévotion au Christ enfant et à saint Joseph connaît un fort regain et spécialement en Lorraine où œuvre La Tour, dans la première moitié du XVIIe siècle.
Père nourricier de Jésus, Joseph exerce la profession de charpentier.
Joseph se penche pour forer un morceau de bois qui, ajouté à une seconde poutre, évoque la croix sur laquelle sera crucifié son fils.
Le visage de Jésus ne ressort de l'obscurité que grâce à la lumière chaude de la bougie. L'atmosphère est à la fois intime et grave.
012. Nicolas Poussin, 1594-1665
L'Inspiration du poète, vers 1630, toile, 1,82 x 2,13
L'Inspiration du poète est une des œuvres de jeunesse de Nicolas Poussin. Il emprunte son sujet à l'antiquité : le dieu Apollon et la muse Calliope donnent l'inspiration au poète qui simultanément s'apprête à recevoir les lauriers de la gloire. Le tableau, issu des collections de Mazarin, a appartenu à des particuliers anglais avant d'être acquis par le Louvre en 1911. Il existe une autre version de l'Inspiration du poète, plus tardive, à Hanovre.
Apollon, dieu de la lumière, de la musique et de la poésie et protecteur des Muses, prend dans le tableau une place centrale.
Le bras du Dieu est appuyé sur une lyre, symbole de l'expression lyrique.
Calliope incarne la poésie épique. Elle est la plus ancienne des neuf Muses qui vivent sous la protection du dieu Apollon sur le Mont Parnasse et mettent les hommes qu'elles élisent en rapport avec le divin.
Les yeux levés au ciel, la plume suspendue au-dessus de l'écritoire, le poète est dans l'état second qui accompagne l'inspiration. Il s'apprête à écrire son poème sous la dictée d'Apollon et le regard bienveillant de la muse.
Simultanément à l'acte de création, les deux bébés ailés, les "putti", présentent les couronnes de laurier symboles de succès de l'œuvre. Ils font du poète un homme hors du commun, admis à partager la connaissance réservée aux dieux.
Le pied d'Apollon, chaussé de sandales romaines, repose sur trois livres classiques de l'épopée : l'Iliade, l'Odyssée et l'Enéide.
013. Nicolas Poussin, 1594-1665
L'Enlèvement des Sabines, vers 1637-1638, toile, 1,59 x 2,06
Poussin a choisi ici un sujet appartenant à l'histoire antique : Rome, récemment fondée par Romulus, manque de femmes ; les Romains organisent donc une fête à laquelle ils convient leurs voisins les Sabins et, sans autre forme de procès, enlèvent les Sabines. Cette action, qui sera le point de départ de plusieurs guerres, est présentée dans cette scène dramatique, au moment de sa plus grande intensité.
Debout sur la tribune, devant le temple de Jupiter et face à la place du Circus Maximus à Rome, voici Romulus. Fondateur de Rome, il lève le bras et donne ainsi le signal de l'enlèvement.
Trois Sabines seulement, deux au premier plan et une au centre, sont représentées sur le tableau. Elles symbolisent les trente Sabines qui furent enlevées.
Le style des maisons, inspiré de Serlio et Palladio, deux architectes italiens du XVIe siècle, contraste avec le temple dorique.
014. Nicolas Poussin, 1594-1665
L'Eté ou Ruth et Booz, vers 1660-1664, toile, 1,18 x 1,60
L'Eté, une des Quatre Saisons peintes à la fin de la carrière de Poussin, est un paysage allégorique qui combine méditation sur le temps, récit biblique et mythologie classique. Il donne ainsi le sentiment de la grandeur et des forces mystérieuses d'une nature plus puissante que l'homme. L'Eté, comme les autres saisons, illustre un épisode de l'Ancien Testament. Il s'agit ici de la rencontre de Ruth et de Booz, qui engendreront la race de David, d'où est issu le Christ.
Booz, riche paysan israëlite, est un vieil homme quand il rencontre Ruth, sa future femme.
Veuve et pauvre, Ruth, agenouillée devant Booz, lui demande l'autorisation de glaner dans son champ pour échapper à la famine. Elle épousera le vieil homme et ils auront ensemble un fils qui lui-même donnera naissance à David, le roi des hébreux.
Animaux bien nourris, abondance de nourriture, beauté épanouie des femmes et épis de blé gorgés de soleil : tout dans le paysage et ses personnages évoque la fécondité.
015. Claude Gellée, dit Le Lorrain, vers 1602-1682
Port de mer au soleil couchant, 1639, toile, 1,03 x 1,37
Paysagiste réputé ayant effectué l'essentiel de sa carrière à Rome comme Nicolas Poussin, Claude Gellée, dit Le Lorrain, brosse ici un port imaginaire animé de saynètes pittoresques où arrive un grand voilier marchand. Mais le principal sujet de ce paysage inspiré de l'idéal classique est le soleil couchant, vers lequel convergent les lignes de la composition. Une réflexion sur la lumière qui sera reprise et développée au XIXe siècle par des peintres comme Turner ou Monet.
Le paysage est habité : deux hommes ivres se battent pendant que deux autres hommes chapeautés s'apprêtent à intervenir.
Les fleurs de lys qui ornent les pavillons des bateaux indiquent que les commanditaires du tableau étaient probablement français. Elles ont remplacé les abeilles, emblèmes de la famille Barberini, peintes sur une première version exécutée pour le pape Urbain VIII Barberini.
Autre saynète qui anime le paysage : un musicien offre une sérénade à deux élégantes voyageuses chargées de grosses malles.
Marché conclu : pendant que le bateau est déchargé de ses tonneaux par les marins, deux marchands échangent des liasses de billets.
016. Louis ou Antoine Le Nain, vers 1600/1610-1648
Famille de paysans dans un intérieur, vers 1640-1645, toile, 1,13 x 1,59
La Famille de paysans dans un intérieur est le plus monumental et le plus grave des tableaux à sujets paysans des frères Le Nain. Loin des "bambochades", c'est-à-dire des tableaux de ripailles à la mode en Hollande, les deux peintres se posent comme les représentants majeurs du courant réaliste du XVIIe siècle. A travers ces trois générations de paysans qui, pauvres mais dignes, regardent le spectateur dans les yeux, ils dépassent l'anecdote et découvrent une dimension universelle de l'humanité.
Le visage de cette femme âgée exprime la fatigue de la rude condition de paysan, dans un XVIIe siècle ruiné par les calamités naturelles et les sévices des troupes de la guerre de Trente ans.
La gravité du personnage n'exclut pas son sens de l'hospitalité symbolisé par le verre de vin qu'elle tient dans la main gauche.
Plusieurs natures mortes émaillent le tableau, comme ce chat caché derrière une marmite qui donne à l'ensemble de la composition une touche de familiarité amusante.
017. Simon Vouet, 1590-1649
Figure allégorique dite La Richesse, vers 1640, toile, 1,70 x 1,24
Cette allégorie de la Richesse a peut-être été réalisée pour le Château Neuf, aujourd'hui disparu, de Saint-Germain en Laye. Simon Vouet y a beaucoup travaillé en tant que premier peintre du roi Louis XIII. C'est un morceau décoratif aux accents baroques, remarquable par le lyrisme du mouvement créé par les soieries, les ailes et l'éclat des jaunes.
Couronnée de lauriers, des pièces d'orfèvrerie à ses pieds, la figure allégorique de La Richesse se tourne vers un enfant ailé qui lui présente des colliers de perles et de pierres.
Toute une gamme de tons jaunes, jaune comme l'or et la richesse, composée de différentes valeurs et de rehauts pour les parties plus claires, a été utilisée pour l'exécution du manteau.
Souvent représentée en art gréco-romain sous la forme d'une figure ailée, l'allégorie est l'évocation d'une idée abstraite au moyen d'objets sensibles, qui ont un rapport d'analogie avec l'idée. Ici, c'est une femme épanouie et drapée de jaune qui personnifie la richesse.
018. Eustache Le Sueur, 1616-1655
Clio, Euterpe et Thalie, 1652-1655, bois, 1,30 x 1,30
Clio, Euterpe et Thalie faisait partie d'un ensemble de décors peints par Eustache Le Sueur pour un hôtel particulier de l'île Saint Louis à Paris qui appartenait à Jean-Baptiste Lambert. Cet ensemble fut démantelé en 1776 et le Louvre en conserve treize tableaux. Ce panneau est l'un des cinq qui figuraient un Concert des neuf muses dans l'alcôve d'une des chambres de la demeure. Le Sueur reprend ici le thème des muses protectrices des arts et des lettres, très à la mode au XVIIe siècle. Il en fait de charmantes figures, traitées avec des lignes souples et des tonalités harmonieuses.
Muse de la musique, Euterpe est représentée ici alors qu'elle interprète un morceau à la flûte traversière.
Thalie est la muse de la comédie. Plus grave que dans ses représentations habituelles, elle tend devant elle un masque utilisé au théâtre, symbolisant à la fois la comédie et la tragédie.
Muse de l'histoire, Clio est munie d'un livre, recueil du savoir et d'une trompette, symbole de la diffusion du savoir.
019. Charles Le Brun, 1619-1690
Le Chancelier Séguier (1588-1672), vers 1657-1661, toile, 2,95 x 3,57
Le chancelier Séguier était le deuxième personnage de l'Etat et le protecteur de Le Brun. Ce cortège annonce le faste des futurs portraits du peintre qui mettent en scène ses sujets au milieu du luxe de leur fonction. Premier peintre du roi Louis XIV, Le Brun, qui jouera un rôle prépondérant dans la peinture de décor des palais royaux, brosse ici un portrait aux dimensions d'un tableau d'histoire.
Pierre Séguier, haut dignitaire du royaume, collectionneur et lettré, est le principal protecteur de Le Brun. Grâce à lui, le peintre put effectuer un voyage à Rome.
Le chancelier est ici représenté en grand apparat, sur une imposante monture.
Les laquais, élégants avec leur costume doré et leur chausses bleu-gris forment un véritable ballet autour du chancelier.
020. Charles Le Brun, 1619-1690
Le Triomphe d'Alexandre, 1665, toile, 4,50 x 7,07
Le Triomphe d'Alexandre est la première des quatre immenses toiles peintes par Le Brun sur le thème de l'histoire d'Alexandre, allusion à la gloire de Louis XIV qui aimait être comparé à ce héros antique. Dans une veine épique, Le Brun cherche ici à rivaliser avec d'autres fameuses séries comme les fresques de L'Histoire de Constantin de Raphaël au Vatican.
Roi de Macédoine entre 356 et 323 avant Jésus-Christ, Alexandre conquiert la Grèce, la Syrie et la Phénicie avant de soumettre Babylone. Cette ville qui deviendra sa résidence favorite et il y mourra.
C'est le gouverneur de Babylone, au premier plan sur son cheval, qui a donné l'ordre de semer le chemin de fleurs et de disposer sur la route d'Alexandre des trépieds remplis d'encens.
Reine légendaire assyrienne, Sémiramis est la fondatrice de la cité mythique de Babylone. Sa statue qui tient en main la grenade et le bâton royal veille sur la scène.
Les jardins suspendus de Babylone, aménagés par le roi Nabuchodonosor II au Ve siècle avant Jésus Christ, sont l'une des sept merveilles du monde. Symboles du luxe suprême, de la fortune et du pouvoir, idéal d'agrément paradisiaque, ils se présentaient comme des terrasses en escalier, couvertes de végétaux et plantées de grands arbres.
021. Philippe de Champaigne, 1602-1674
Ex Voto de 1662, 1662, toile, 1,65 x 2,29
Le terme d'ex-voto désigne un tableau peint en remerciement d'un vœu exaucé. Dans cette œuvre empreinte de ferveur contenue, Philippe de Champaigne célèbre la guérison miraculeuse de sa fille, religieuse au couvent janséniste de Port Royal. La scène ne représente pas le miracle mais le moment où l'abbesse du couvent a la révélation que Dieu va l'exaucer. Peint sans effet spectaculaire, le tableau, qui marie l'art du portrait et de la peinture religieuse, rend sensible les réalités mystiques à travers la lumière, le dépouillement du décor et le recueillement des êtres.
Fille du peintre, Catherine de Champaigne est religieuse au couvent janséniste de Port-Royal sous le nom de soeur Catherine de Sainte-Suzanne.
Malade, paralysée des deux jambes depuis le 22 octobre 1660, elle est guérie miraculeusement le 7 janvier 1662 à la suite d'une neuvaine c'est-à-dire des exercices de piété fait pendant neuf jours consécutifs par la communauté religieuse.
Profondément habitée par la prière, la mère Agnès, abbesse du Port-Royal, a ici la révélation que Dieu exauce sa demande et celle des autres religieuses du convent : le miracle est imminent, sans effet surnaturel.
La malade a posé sur ses jambes inertes un reliquaire qui contient un fragment de la couronne d'épines du Christ.
Derrière l'abbesse Agnès, un texte latin explique : " Soeur Catherine de Sainte-Suzanne de Champaigne qui, après une fièvre de 14 mois redoutée par les médecins à cause de la
persistance et de l'importance des symptômes, alors qu'elle était paralysée jusqu'à moitié, que la nature se lassait déjà et que les médecins déclaraient forfait, ayant joint ses prières à celles de mère Agnès, en un moment a recouvré une parfaite santé, et se voue à nouveau au Christ, le seul médecin des âmes et des corps. Philippe de Champaigne a placé en outre cette image, comme témoin d'un si grand miracle et de sa joie. En l'an 1662 ".
022. Hyacinthe Rigaud, 1659-1743
Louis XIV (1638-1715) roi de France, 1701, toile, 2,77 x 1,94
Hyacinthe Rigaud donne à l'effigie du Roi-Soleil, monarque du pouvoir absolu, une intense expression de pompe et de majesté. Le portrait de Louis XIV, représenté en costume d'apparat, a été peint pour être offert à son petit-fils le roi Philippe V d'Espagne. Mais il sembla si beau à la Cour qu'il ne quitta finalement jamais Versailles... Il obtint aussi un énorme succès lors du Salon de 1704.
Coiffé d'une longue perruque noire, Louis XIV, est ici âgé de 63 ans. Son règne va encore durer 14 ans.
De nombreux éléments du tableau soulignent le caractère royal de son modèle : les fleurs de lys du fauteuil et du manteau doublé d'hermine, la présence de la couronne sur le coussin, " Joyeuse ", l'épée de Charlemagne et le sceptre et la main de justice d'Henri IV, fondateur de la dynastie des Valois à laquelle Louis XIV appartient.
023. Jean-Antoine Watteau, 1684-1721
Pèlerinage à l'île de Cythère, 1717, toile, 1,29 x 1,94
Le Pèlerinage à l'île de Cythère permet à Watteau d'être reçu à l'Académie Royale en 1717 et illustre le genre de la " fête galante " que le peintre a popularisé. Que se passe-t-il vraiment sur cette grande toile peuplée d'amoureux en farandole dans un paysage moussu ? Les personnages vont-ils à Cythère, l'île de l'amour habitée par Vénus, ou en reviennent-ils ? A partir d'un thème courant à l'époque, à travers une richesse de couleurs et une touche empruntées à l'art vénitien du XVIe siècle, Watteau crée une œuvre très personnelle, énigmatique, mêlant réalité et imaginaire, loin des conventions académiques.
Le sculpteur Auguste Rodin voyait dans ces trois couples l'histoire du cheminement du désir. De droite à gauche : première approche, acceptation de l'aventure amoureuse, départ pour l'île de l'amour. On peut à l'inverse y lire les trois étapes d'un adieu à l'île.
Discrète référence à la tradition mythologique, les enfants ailés, les " putti " italiens, virevoltent au-dessus de la nacelle conduite par deux matelots en costume antique.
Dans la mythologie grecque, la déesse de l'amour Vénus s'est installée sur l'île de Cythère, dans la mer Egée. Elle est ici ornée d'offrandes : une guirlande de roses et trois symboles du rite de l'amour : un arc, un carquois et des flèches.
024. Jean-Antoine Watteau, 1684-1721
Pierrot dit autrefois Gilles, vers 1718-1719, toile, 1,84 x 1,49
Directement inspiré de la commedia dell'arte, ce Pierrot fait de nous les spectateurs d'une représentation théâtrale : le personnage principal, peint grandeur nature, occupe le devant de la scène tandis que les acteurs secondaires attendent en contrebas. L'œuvre reste mystérieuse : pourquoi Pierrot a-t-il cet air pensif ou mélancolique ? Et cette attitude curieusement statique ? Quelle était la destination de la toile : a-t-elle été peinte pour servir d'enseigne au café cabaret de l'ancien acteur Belloni ou d'affiche pour un théâtre de foire ?
Tout de blanc vêtu, le cou traditionnellement orné d'une collerette, ce Pierrot, inspiré du Pedrolino (Petit Pierre) de la commedia dell'arte, s'est autrefois appelé Gilles, un autre personnage de théâtre célèbre au XVIIIe siècle.
Le Docteur, jovial sur son âne, est l'un des deux vieillards typiques de la commedia dell'arte : aux côtés du riche mais avare marchand Pantalon ou Cassandro, il représente le docte pédant et ridicule, toujours de noir vêtu.
Les trois autres personnages sont également des personnages-types de la commedia dell'arte : on trouve un couple d'amoureux, Isabelle et Léandre, affublés de noms différents en fonction des époques ainsi que le " Capitaine ", homme de guerre fanfaron et couard.
025. Jean-Siméon Chardin, 1699-1779
La Raie, vers 1725-1726, toile, 1,14 x 1,46
La Raie, qui a permis à Jean-Baptiste Siméon Chardin d'être admis à l'Académie comme peintre de natures mortes, a toujours été admirée, louée par des écrivains comme Diderot ou Proust et copiée par des maîtres comme Matisse ou Cézanne. Le sujet de l'œuvre, qui associe animaux morts et vivants, est d'origine flamande, mais Chardin a su donner au tableau un réalisme et une maîtrise dans la composition qui n'appartiennent qu'à lui.
Au centre et au sommet de la composition, le visage grimaçant du poisson éventré est en fait la partie ventrale de la raie : ses deux narines et sa gueule.
Seul animal vivant de la scène, le chat est croqué dans une attitude leste et contraste avec la viscosité et la brillance des victuailles qui semblent exciter son appétit.
Bassine et poëllon de cuivre, couteau, écumoire, cruche : Chardin était aussi le peintre des ustensiles de cuisine.
026. Jean-Siméon Chardin, 1699-1779
L'Enfant au toton, 1738, toile, 0,67 x 0,76
Maître de la nature morte française du XVIIIe siècle, Jean-Baptiste Siméon Chardin se révèle aussi un grand peintre de scènes de genre de la société bourgeoise parisienne. Attentif à recréer un univers familier, attiré par le monde de l'enfance, il peint ses modèles absorbés dans des occupations quotidiennes, ici le jeu du toton. Cette scène en apparence banale, traduite à l'aide d'une harmonie de tons bruns dans une lumière douce, dépasse l'anecdote et exprime un sentiment de tendresse intemporelle.
Seul dans sa chambre, les livres fermés, l'enfant préfère jouer au toton. Il s'agit d'Auguste-Gabriel Godefroy, fils d'un joaillier parisien ami de Chardin.
L'élégance de la veste à basques sur un gilet bleuté et de l'impeccable perruque au noeud bleu du jeune garçon soulignent son appartenance à la bourgeoisie aisée.
L'enfant joue au toton, un petit objet en os qui tourne, à la manière d'une toupie.
027. Jean-François Boucher 1703-1770
Le Déjeuner, 1739, toile, 0,81 x 0,65
François Boucher, maître des mythologies galantes et inventeur des pastorales a, pendant une courte période de sa carrière entre 1739 et 1746, peint également des scènes d'intimité familiale, à la manière des Hollandais du XVIIe siècle. Avec grâce, raffinement des couleurs et art du détail, Le Déjeuner présente l'image d'un certain bonheur. Un bonheur qui s'épanouit dans le luxe d'un intérieur décoré selon le goût contemporain : le style rocaille* et les accessoires orientaux.
Un magot chinois, des appliques asymétriques, les lignes sinueuses du trumeau, de l'horloge et de la console en bois doré, une porcelaine bleue et blanche : la décoration de cet appartement parisien démontre l'attrait de la première moitié du XVIIIe siècle pour l'Orient et le style rocaille.
Cette peinture de la douceur de vivre met en scène le rituel du café. Introduit à la fin du XVIIe et désormais d'usage courant, il est servi dans une cafetière en argent tripode avec un bec élevé qui permet de retenir le marc.
028. François Boucher 1703-1770
Diane sortant du bain, 1742, toile, 0,57 x 0,73
Avec ce tableau, François Boucher, alors à l'apogée de sa carrière, se pose comme le maître de la peinture rocaille* et de la mythologie galante, dont Diane sortant du bain est une des expressions les plus abouties. Brillante et sensuelle, la toile exalte la féminité et le plaisir à travers une composition gracieuse et une palette de coloris tendres. Dans cet univers mythologique revisité par le goût du XVIIIe siècle pour les accessoires luxueux, Boucher rend avant tout hommage à la beauté tranquille de deux jeunes femmes sereines.
La lune accrochée au front de Diane, déesse de la chasse, est la planète à laquelle elle est associée car l'une et l'autre se déplacent à travers les forêts.
Accroupie au pied de sa maîtresse, la compagne de Diane semble admirer la beauté nacrée de la déesse.
Volutes de tissus soyeux, de rubans et de voiles entremêlés : on est loin ici de l'atmosphère menaçante souvent associée au thème de Diane surprise nue par Actéon, chasseur qu'elle transforme alors en cerf.
Quelques trophées de chasse et l'arc abandonnés à terre, le carquois et les flèches un peu plus loin, les chiens encore à l'affût décrivent une activité que les deux jeunes femmes ont délaissé pour se livrer au plaisir rafraîchissant de la baignade.
029. Jean-Baptiste Greuze, 1725-1805
L'Accordée de village, 1761, toile, 0,92 x 1,17
Avec L'Accordée de village, Jean-Baptiste Greuze innove. Le célèbre représentant du genre moralisateur dont la deuxième moitié du XVIIIe siècle est friande, traite en effet une scène de genre - le moment où un père accorde sa fille en mariage à son futur gendre - selon les ressources et les codes d'une grande peinture d'histoire. De grande dimension, faisant l'analyse des passions chez des personnages disposés en frise, son tableau invite le spectateur à scruter chaque détail, chaque expression du visage, chaque attitude. Il a été acheté pour les collections royales en 1782.
Avec un geste théâtral, dans un intérieur rustique et simple, le père vient d'accorder la main de sa fille qu'il montre d'un geste à son futur gendre.
Respectueusement inclinée face à son futur beau-père mais tenant en arrière le bras de la jeune fille, le jeune homme a encore en main la bourse contenant la dot de sa future femme.
Idéale représentation de la future épouse avec sa mine fraîche, son décolleté laiteux et fleuri d'une rose, la jeune fille, soutenue dans cette scène importante par sa mère et sa sœur émue aux larmes, baisse les yeux et soulève un pan de sa robe en un geste à la fois pudique et érotique.
030. Jean-Honoré Fragonard, 1732-1806
Denis Diderot, vers 1769, toile, 0,81 x 0,65
Dans ce portrait qui appartient à une série de 14 toiles de format et de facture identiques nommée les Figures de fantaisie, Fragonard ne cherche pas à décrire minutieusement les traits et la psychologie du philosophe français Diderot. Il traite en revanche l'effigie à la manière d'une ébauche dynamique. La touche épaisse évoque Rembrandt et donne une impression de vitesse et l'illusion de la spontanéité.
Comme chaque personnage des Portraits de Fantaisie, Diderot est représenté vêtu "à l'espagnole" avec collerettes, capes et manchettes, c'est à dire comme les contemporains de Van Dyck, Frans Hals ou Rembrandt, costumes qui connaissent un regain de faveur chez les peintres de la seconde partie du XVIIIe siècle.
Le livre que feuillette Diderot est peut-être une allusion à son œuvre monumentale, L'Encyclopédie en 17 volumes, qu'il a écrite et dont les dix derniers tomes ont paru en bloc en 1765.
Plus que ressemblant, le visage de Diderot, avec sa touche épaisse à la Rembrandt et ses effets de reflet témoigne d'un art, à la fois libre et maîtrisé.
031. Jean-Honoré Fragonard, 1732-1806
Le Verrou, vers 1776-1779, toile, 0,73 x 0,93
Avec un sujet qui pouvait très vite frôler la vulgarité, Fragonard a construit dans le Verrou une œuvre étonnante et gracieuse. Elle décrit avec force le moment rare des derniers instants de résistance avant l'abandon érotique. Fragonard, qui s'interroge durant toute sa carrière sur toutes les formes de l'amour, en fait le thème privilégié de son œuvre. La pureté de la composition et l'attitude des deux amants dont l'élan évoque un pas de danse donnent au Verrou un véritable accent lyrique.
L'image de la vertu et la garantie de sécurité qu'évoque le verrou semblent bien illusoires à ce moment précis où les deux protagonistes de la scène vont probablement succomber au désir.
Physiquement bien là, mais ni agressif ni vulgaire, le lit semble attendre son entrée en scène. Fragonard s'est fait le chantre du lit qu'il a peint dans une trentaine de ses œuvres.
Sur le devant de la scène, la pomme peut introduire la notion moralisante de péché.
Tout comme le verrou symbolise la vertu, le vase renversé est une métaphore du sexe féminin et la cruche fêlée de la virginité menacée.
032. Louis David, 1748-1825
Le Serment des Horaces, 1785, toile, 3,30 x 4,25
Tableau manifeste du néo-classicisme* dont David est le chef de file, Le Serment des Horaces, commandé par Louis XVI quelques années avant la Révolution, reçut un accueil enthousiaste à Rome où il fut peint, puis au Salon* de 1785. Il met en scène un épisode de l'histoire romaine rendu célèbre par Corneille : trois frères, les Horaces, jurent de vaincre ou de mourir dans la guerre qui les oppose aux Curiaces d'Albe, cité voisine et rivale. Un geste civique et héroïque qui ne peut que les plonger dans le malheur puisque les deux familles sont liées : chaque Curiace et chaque Horace a une femme ou une sœur mariée dans la famille ennemie.
Acteurs principaux du drame, les trois frères représentent l'héroïsme viril, les vertus du civisme et du courage. Un seul des Horaces survivra au triple duel et à son retour à Rome, il tuera sa sœur Camille qui pleure son fiancé Curiace.
Le vieil Horace incarne le sens suprême du civisme : il fait le sacrifice de sa famille en invoquant les dieux et présentent à ses trois fils les épées du combat sur lesquelles ils prêtent serment.
Devant sa mère en noir, se tient la brune Camille, sœur des Horaces, fiancée à un Curiace et la blonde Sabine, sœur des Curiaces, qui a épousé l'aîné des Horaces : toutes trois se désolent sur l'issue forcément fatale du combat.
La nudité de cette froide architecture, scindée en trois arcades en plein cintre est de style dorique et rappelle les temps de la Rome républicaine.
033. David, 1748-1825
Sacre de l'empereur Napoléon Ier le 2 décembre 1804, vers 1806-1807, toile, 6,21 x 9,79
David a consacré trois ans à la réalisation de cette immense composition. Commandée par Napoléon Ier et inspirée du Couronnement de Marie de Médicis de Rubens, la toile immortalise le jour du sacre de l'Empereur, le 2 décembre 1804, dans la cathédrale de Paris. Le régime s'est efforcé d'en faire une œuvre de propagande à la gloire de l'Empire même si le trait de David n'est pas dénué d'ironie. Car c'est aussi un impressionnant portrait collectif qui rassemble plus de 150 personnages. Quatre tableaux devaient retracer les épisodes du sacre. Seuls Le Sacre de Napoléon et La Distribution des Aigles, conservé au château Versailles, sont achevés.
Dans la nef de Notre Dame de Paris décorée pour l'occasion de pilastres classiques par les architectes Percier et Fontaine, Napoléon vient de se couronner lui-même, reprenant ainsi le rite de Charlemagne. Il est peint de profil comme le sont souvent les empereurs romains sur les monnaies et comme eux, il porte la couronne de lauriers.
Joséphine de Beauharnais s'apprête à être couronnée par son mari. Elle porte un grand manteau de velours rouge doublé d'hermine et semé d'abeilles, symbole que Napoléon a choisi pour représenter l'Empire.
Deux dames d'honneur soulèvent la traîne du manteau de Joséphine : il s'agit de Madame de La Rochefoucauld et de Madame de La Vallette.
Entouré de cardinaux et d'évêques, le pape Pie VII fait le geste de la bénédiction.
Les sœurs de Napoléon sont vêtues de robes blanches cousues d'or et sont coiffées d'un diadème. Ses frères portent le bicorne à plumes.
Au fond, trône la mère de Napoléon, Marie Letizia, dans la tribune d'honneur : une entorse faite à l'histoire à la demande de Napoléon puisqu'elle n'assista pas à la cérémonie.
Quatre grands dignitaires, presque de dos, ferment la scène à gauche : l'architrésorier Lebrun, l'archichancelier Cambacérès, le maréchal Berthier et Talleyrand, grand chambellan.
034. Antoine-Jean Gros, 1771-1835
Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau (9 février 1807), 1808, toile, 5,21 x 7,84
Dans Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau, Gros, le chantre de l'Empire, apporte à son tableau néo-classique une touche de romantisme : des couleurs expressives, des Détails réalistes, des accessoires exotiques ou pittoresques et le choix de la détresse humaine comme sujet principal de l'œuvre. Sur le champ de cette bataille, difficilement remportée en Pologne contre les Russes et les Prussiens en février 1807, Napoléon arbore un visage pâle qui enthousiasma la génération romantique. Le tableau donne une image dramatique de l'épopée militaire napoléonienne mais présente l'Empereur comme un personnage humain, ému par le carnage et la souffrance des soldats.
Le réalisme des morts et des blessés au premier plan fit reculer les visiteurs du Salon. La bataille a fait 40 000 morts dont 10 000 français.
Napoléon se tient au milieu de son Etat major. Il est secondé par Davout, Ney, Soult, Augereau et Lannes.
Plusieurs prisonniers russes, dont le premier, blessé, contemple la représentation de l'aigle impérial, implorent protection.
035. Théodore Géricault, 1791-1824
Le Radeau de la Méduse, 1819, toile, 4,91 x 7,16
Le Radeau de la Méduse est le premier tableau qui reprend sur d'aussi grandes dimensions un fait d'actualité que l'artiste a étudié avec une précision documentaire : le naufrage d'un bateau et le martyre de 146 désespérés entassés sur un radeau pendant 178 jours. Audacieux par son thème mais aussi par sa touche épaisse, ses violents contrastes d'ombres et de lumière et le réalisme des corps, Le Radeau de la Méduse fait scandale au Salon de 1819. Mais en bouleversant ainsi le néo-classicisme* illustré par David, le tableau ouvre la voie à l'avant-garde romantique* et à l'essor de Delacroix, jeune ami du peintre.
Au premier plan, plongeant son regard vide dans celui du spectateur du tableau, un vieillard tient couché sur ses genoux le cadavre de son fils et tourne le dos à l'espoir du prochain sauvetage.
C'est Delacroix, jeune ami et admirateur de Géricault, qui a posé pour la représentation de ce personnage, cadavre ou mourant, enlaçant une planche du radeau.
Le groupe du dernier plan est constitué notamment de M Savigny, au pied du mât et de M Corréard, dont le bras vers l'horizon et la tête tourné vers M Savigny indique la direction du bateau salvateur. Géricault a rencontré et interrogé ces deux miraculés, avant de les faire poser dans leur propre rôle pour ce tableau.
C'est un homme noir que Géricault a choisi pour brandir les étoffes, geste qui va sauver les désespérés du radeau. Le peintre, qui avait le projet d'une vaste composition sur la traite des Nègres, ne cache pas ici ses convictions libérales.
Presqu'invisible, aussi improbable qu'une chimère : c'est ainsi qu'apparaît l'Argus, le navire qui finalement sauvera la dizaine de rescapés, le 17 juillet 1816.
036. Théodore Géricault, 1791-1824
Course de chevaux dit le Derby de 1821 à Epsom, 1821, toile, 0,92 x 1,22
Dans ce tableau peint lors de son séjour à Londres trois ans avant sa mort, Géricault renoue avec le thème du cheval auquel il voue un véritable amour. Il propose ici une version étrange et personnelle de la course d'Epsom. Dans un paysage où seul un poteau vertical suggère l'épreuve sportive, il joue avec l'horizontalité des corps des quatre animaux. Un ciel bas aux traînées sombres suggère le drame de cette scène d'un réalisme fantastique.
Géricault donne une sensation d'aérienne étrangeté dans ce galop irréaliste où aucune des pattes des chevaux ne touche terre.
Etirés en longueur, emboîtés les uns dans les autres, les quatre chevaux, qui semblent finalement n'en faire qu'un, dessinent une ligne horizontale au centre du tableau.
Le poteau qui s'élève dans le ciel tourmenté est le seul indice, avec le costume des jockeys, prouvant qu'il s'agit bien d'une course de chevaux.
037. Eugène Delacroix, 1798-1863
Scènes des massacres de Scio, 1824, toile, 4,19 x 3,54
La répression exercée par les Turcs contre les Grecs, sur l'île de Scio, lors de la guerre d'indépendance en 1822 a soulevé un vif émoi chez les libéraux européens et les romantiques*. Sévèrement critiquée lors du Salon de 1824 pour la modernité de son traitement et de son sujet, Scène des massacres de Scio est un tableau manifeste qui fait de Delacroix le chef de file de l'école romantique. L'artiste y peint un fait contemporain et non pas religieux ou issu de l'Antiquité. L'intensité des couleurs et la liberté de la composition créent un souffle épique et une grande puissance émotive.
Scène de barbarie guerrière : un enfant affamé cherche le sein de sa mère massacrée.
Un cavalier turc enlève une jeune fille grecque.
Dans le lointain, la bataille entre les Grecs et les Turcs fait encore rage : seuls 900 grecs ont survécu au massacre.
La vieille femme résignée sait qu'elle n'a attendre que la mort ou l'esclavage.
038. Eugène Delacroix, 1798-1863
Mort de Sardanapale, 1827, toile, 3,92 x 4,96
Le suicide du roi légendaire Sardanapale, qui préfère sacrifier son palais, sa vie et celles de ses serviteurs plutôt que de se rendre à l'ennemi, est le sujet d'un drame de Lord Byron, publié en 1821. Delacroix s'en inspire pour dépeindre l'expression des passions poussées à l'extrême qui caractérise le Romantisme*. Dans un décor oriental et un vertige de couleurs et de courbes, le peintre suggère le massacre, l'affolement, la chaleur du brasier sans avoir besoin de montrer une flamme ou une goutte de sang. La toile la plus lyrique de Delacroix fit scandale au Salon de 1827 pour son image de la cruauté et de la sensualité.
Un amas d'objets précieux et exotiques situent l'action : nous sommes en Orient, dans un palais de légende.
Curieusement calme, Sardanapale, roi antique, cruel et débauché, contemple le massacre qu'il a ordonné en attendant sa propre mort. Delacroix lui aurait donné ses propres traits.
039. Eugène Delacroix, 1798-1863
La Liberté guidant le peuple (28 juillet 1830), 1830, toile, 2,60 x 3,25
A la fois réaliste et allégorique, cette œuvre de grand format qui salue la journée du 28 juillet 1830, pendant laquelle le peuple de Paris tente de renverser Charles X et de rétablir la République, symbolise aussi le combat de la génération romantique pour la liberté. L'impétuosité du geste, la recherche de l'intensité de l'instant, le choix audacieux d'un thème d'actualité ont valu au tableau de Delacroix, exposé pour la première fois au Salon de 1831, quelques louanges et beaucoup d'attaques.
Cette femme incarne la Liberté. Elle porte deux symboles nés sous la Révolution française : le bonnet phrygien et le drapeau tricolore.
Avec dans sa main gauche un fusil d'infanterie à baïonnette, la Liberté guide le peuple parmi morts et blessés, à travers les barricades.
Les ombres qualifiées de "gris sales" de sa poitrine et de son aisselle ont déchaîné les détracteurs du tableau, scandalisés par ce qu'ils considéraient comme du "mauvais goût".
Dans le groupe d'homme à gauche de la Liberté figurent trois représentants du peuple : le manufacturier avec son béret et son tablier protecteur brandit un sabre des compagnies d'élite d'infanterie ; l'artisan à pantalons larges et ceinture rouge arbore le chapeau haut de forme qui n'est pas encore à cette époque l'attribut du bourgeois ; le manœuvre du bâtiment, blessé a la tête enveloppé par le foulard de sa corporation.
Aux côtés de la Liberté, un gamin de Paris, le Jehan Frollo de Notre-Dame de Paris ou le futur Gavroche des Misérables de Victor Hugo : il porte en bandoulière la giberne volée à un soldat de la garde royale et sur la tête la "faluche", béret de velours noir des étudiants du quartier latin. Il incarne la jeunesse révoltée par l'injustice.
Au premier plan trois cadavres : un combattant issu du peuple de Paris, et à ses côtés deux soldats de Charles X : un cuirassier de la garde royale et à la droite du tableau, un voltigeur suisse dont le shako a roulé au premier plan.
Tout au fond et à gauche du tableau, un régiment de la garde de Charles X est en train de tirer.
040. Théodore Chassériau, 1819-1856
Esther se parant pour être présentée au roi Assuérus dit La Toilette d'Esther, 1841, toile, 0,45 x 0,35
La Toilette d'Esther fait la synthèse entre les deux influences majeures qui ont traversé toute l'œuvre de Chassériau : celle d'Ingres, son maître, dans le personnage principal, Esther, et celle de Delacroix, perceptible dans la présence colorée des deux servantes. Le tableau brosse aussi l'univers orientaliste* cher à de nombreux artistes du XIXe siècle. Il fut exposé sous les louanges au Salon de 1842.
Esther est candidate au mariage avec Assuérus, roi de Perse au Ve siècle avant Jésus-Christ. Il vient de répudier sa femme et a demandé aux provinces de lui envoyer leurs plus jolies femmes. Esther sera choisie parmi neuf jeunes filles sélectionnées.
Deux servantes s'affairent autour d'Esther pour la préparer à sa rencontre avec le roi. Elles lui présentent bijoux et parfum pour mettre en valeur sa beauté.
La silhouette serpentine d'Esther et la lumière nacrée de sa peau traversent le tableau et retiennent le regard.
041. Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1780-1867
La Grande Odalisque, 1814, toile, 0,91 x 1,62
Le sujet de cette Grande Odalisque, mystérieuse courtisane orientale aux proportions allongées, n'est pas l'Orient. L'ambition d'Ingres, dont la peinture du nu féminin sera au centre de ses travaux toute sa vie durant, est avant tout la recherche de la forme esthétique, de la courbe idéale. Une construction intellectuelle qui donne à ce très célèbre nu au visage énigmatique le charme et la fascination de l'inaccessible.
Lisse, marmoréen, d'un ovale parfait, le visage de l'odalisque dont le regard plonge dans celui du spectateur, n'exprime rien d'autre que le charme et le mystère.
Ingres multiplie les accessoires orientalistes : le turban, les bracelets d'esclave, le chasse-mouches en plumes de paon, la pipe, le brûle-parfum ou les bijoux ornés de perles.
042. Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1780-1867
Le Bain turc, 1862, bois, 1,10 x 1,10
Ingres a 82 ans lorsqu'il peint Le Bain turc, son dernier chef-d'œuvre. Le tableau est l'aboutissement de plus d'un demi-siècle de recherches et d'études de nus et de corps féminins. La toile, d'abord rectangulaire avant d'être transformée en cercle à la manière des "tondi", ces médaillons de la Renaissance italienne, illustre un thème considéré comme scabreux avec une sensualité paisible et pure.
Le regard se focalise sur le turban en madras de la baigneuse de dos qui forme une tâche claire où se concentre la lumière du tableau.
Pour la peinture de ce diadème incrustés de pierreries comme pour tous les autres objets orientaux comme la nature morte au premier plan, Ingres, qui n'est jamais allé en Orient, se documentait scrupuleusement. Il consultait les textes littéraires et les gravures byzantines.
043. Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1780-1867
Louis-François Bertin dit Bertin l'Aîné (1766-1841), 1832, toile, 1,16 x 0,95
Voici le Portrait de Louis-François Bertin, imposant patron du journal des Débats, une des principales gazettes politiques de l'époque, lancée en 1799. A travers lui, Ingres donne une image emblématique de la bourgeoisie du XIXe siècle. C'est une bourgeoisie consciente de sa puissance, qu'il dépeint avec une franchise et un réalisme rappelant les peintres des écoles du Nord. Pour Ingres, cette œuvre marque un retour au portrait, spécialité pour laquelle il est très recherché.
La représentation de Louis-François Bertin est sans complaisance, chaque détail, comme la verrue au coin de l'oeil gauche ou la couperose de son teint est consigné avec véracité.
Ingres a mis du temps pour trouver la pose la plus représentative de son modèle. Cette étonnante attitude a été captée au café, lors d'une discussion politique.
Un détail de réalisme pictural qui rappelle le flamand Jan Van Eyck : le reflet sur le bras du fauteuil qui reproduit l'espace de la pièce autour du rectangle lumineux d'une fenêtre.
044. Jean-Baptiste-Camille Corot, 1796-1875
Souvenir de Mortefontaine, 1864, toile, 0,65 x 0,89
Souvenir de Mortefontaine est sans doute l'œuvre de Corot la plus commentée et la plus reproduite. Le paysage, libéré de sa subordination à la peinture d'histoire est, depuis le romantisme*, un sujet à part entière. Corot en devient le maître. Il y exprime sa sensibilité par rapport à la nature dont il exalte la poésie et la nostalgie. Souvenir de Mortefontaine définit aussi la conception qu'a l'artiste du paysage recomposé : comme l'indique son titre, ce tableau est un souvenir. Il a été esquissé sur place, dans un parc de l'Oise, puis retravaillé en atelier.
Trois personnages cueillent des branches fleuries : un geste de la vie quotidienne qui est aussi une référence aux rites des druides.
Quelques touches de rouge, sur le bonnet et dans le panier de l'enfant qui se baisse et sur la jupe de la jeune femme rehaussent l'harmonie de verts et de bleus qui donne au tableau son ambiance froide.
Corot affectionne les lointains flous, comme cet arrière plan brumeux sur le lac. Il en a pris conscience grâce à la photographie, art qui débute encore.
045. Giotto di Bondone, vers 1267-1337
Saint François d'Assise recevant les stigmates, 1300, bois, 3,13 x 1,63
Ce retable provient de l'église San Francesco de Pise. La scène principale et les trois scènes de la prédelle, réalisées sur le même panneau, relatent quatre épisodes de la vie de saint François, fondateur de l'ordre mendiant des Franciscains. La plus grande des compositions montre un événement capital de la vie du saint : la stigmatisation, c'est à dire le moment où François reçoit du Christ en croix les plaies aux mains et aux pieds de son martyre sur la croix. C'est une des premières fois où un retable montre un épisode de la vie d'un saint et non simplement son effigie au centre du tableau.
Le Christ est montré les bras en croix et sous la forme d'un séraphin, c'est-à-dire d'un ange d'une des catégories supérieures, tel qu'on les représentait au Moyen Age.
Saint François d'Assise a abandonné le monde pour vivre comme Jésus Christ. Le Saint François de Giotto est un homme ordinaire, représenté avec réalisme. Un peu de rose sur les joues lui donne de la vie.
La stigmatisation est indiquée à l'aide de rayons qui vont des plaies du Christ aux pieds et aux mains de saint François.
Bien qu'il s'agisse d'un paysage, Giotto a gardé le fond d'or de la tradition byzantine qui symbolise la lumière divine.
Sur la partie gauche de la prédelle, le pape a la vision de François qui soutient une église chancelante, symbole de l'Eglise de Rome.
La partie centrale de la prédelle montre le pape approuvant les règles de l'Ordre des Franciscains. Les vêtements austères des moines contrastent avec la mise d'apparat du pape.
La composition de droite illustre l'une des scènes les plus célèbres de la vie du saint : François prêchant aux oiseaux car il sait parler à tous les vivants.
046. Guido di Pietro, dit Fra Angelico, connu en 1417-1455
Le Couronnement de la Vierge, avant 1435, bois, 2,09 x 2,06
Ce retable, remarquable par l'éclat de l'or et la délicatesse de ses couleurs, était autrefois placé au-dessus de l'autel de l'église San Domenico de Fiesole, près de Florence. A travers le thème religieux traditionnel de la Vierge qui, après sa mort et son Assomption est sacrée reine du ciel par son fils, Fra Angelico utilise ses connaissances de la technique de l'enluminure et de la fresque. Cette œuvre de sensibilité encore médiévale annonce cependant, par ses effets de perspective, les développements de la peinture du XVe siècle, le "quattrocento" italien.
Sur ce trône gothique surmonté d'un dais porté par des colonnes torsadées, le Christ pose une couronne sur la tête de sa mère, la Vierge Marie agenouillée en signe d'humilité.
La prédelle, c'est-à-dire la partie inférieure du retable, représente six épisodes de la vie de saint Dominique, fondateur de l'ordre des Dominicains auquel appartient Fra Angelico.
De gauche à droite :
Le Songe du pape Innocent III
L'Apparition de saint Pierre et saint Paul à saint Dominique
La Guérison de Napoléone Orsini
La Représentation du Christ au tombeau marque le centre
Le Miracle du Livre
Le Repas des moines servi par des anges
La Mort de saint Dominique
047. Antonio Puccio, dit Pisanello, avant 1395-1455
Portrait de Ginevra d'Este, vers 1436-1438, bois, 0,43 x 0,30
Ce portrait, un des très rares tableaux de chevalet de Pisanello, montre une jeune fille au teint d'ivoire qui a été souvent identifiée comme la princesse Ginevra d'Este, la première et malheureuse épouse du terrible Sigismond Malatesta qui la fit empoisonner en 144O alors qu'elle avait 22 ans. Les lignes fluides et délicates du profil, du cou et du vêtement définissent des volumes à peine modelés et détachent la silhouette sur un fond sombre animé de fleurs et de papillons.
Le vase brodé sur la manche évoque le vase à deux anses, emblème de la maison d'Este, famille régnante du duché de Ferrare au XVe siècle.
La petite plante près du cou semble être une branche de genévrier, possible allusion au prénom de Ginevra.
Pisanello aime à dessiner d'après nature. Des fleurs comme des œillets et des ancolies ainsi que des papillons sont décrits avec une grande précision naturaliste.
Le front paraît très haut et bombé : en réalité, c'était la mode pour les jeunes femmes de l'époque de s'épiler les sourcils et le haut du front.
048. Piero della Francesca, vers 1422-1492
Portrait de Sigismond Malatesta, vers 1450, bois, 0,44 x 0,34
Ce portrait, acquis par le Louvre en 1978, est la seule œuvre de Piero della Francesca conservée dans les musées français. Il représente le condottiere Sigismond Malatesta, seigneur de Rimini. Cultivé, homme de lettres et poète, bien que son nom signifie "mauvaise tête", il fait de la cité de Rimini l'un des foyers culturels les plus actifs d'Italie en y invitant des artistes de renommée internationale comme Brunelleschi, Alberti et Piero della Francesca. On situe l'œuvre vers 145O, c'est à dire au début de la carrière du peintre. Le portrait appartient encore à la tradition gothique du profil qui se détache sur un fond sombre. Mais la traduction de certains détails, l'ombre bleutée de la barbe, les carnations rosées de la chair sont d'influence flamande.
Les touches de rose sur les joues, les ombres grises de la barbe naissante, quelques cheveux blancs épars donnent de la vie à cet austère profil.
Les broderies du vêtement indiquent que Malatesta n'était pas un simple guerrier mais un puissant personnage. Les condottières étaient dans l'Italie du XVe siècle des chefs militaires mercenaires qui faisaient payer leurs services.
049. Andrea Mantegna, 1431-1506
Le Calvaire, vers 1456, toile, 0,76 x 0,96
Le calvaire constitue l'élément central de la prédelle d'un retable de Mantegna. Il représente le Christ en croix, entouré des deux larrons eux aussi crucifiés. Cet ensemble fut commandé vers 1456 par le protonotaire Gregorio Correr pour l'église San Zeno de Vérone. Les panneaux principaux du retable sont restés en place à Vérone. Les deux autres éléments de la prédelle, le Christ au jardin des oliviers et la Résurrection sont aujourd'hui au musée des beaux-arts de Tours.
Le groupe des saintes femmes en pleurs soutient la Vierge, en noir, qui s'effondre de douleur. Sur la gauche, saint Jean, les mains jointes, regarde le Christ.
Quelques soldats romains jouent aux dés la tunique du Christ. Leur équipement et leurs armes sont peints avec une grande précision, grâce aux représentations que Mantegna pouvait trouver sur les bas-reliefs antiques.
A l'arrière plan, se détachent les collines et la ville de Jérusalem.
Au centre, le Christ domine la composition et se distingue par sa position les bras en croix.
Le Christ est entouré de deux voleurs martyrisés en même temps que lui. L'un, le bon larron, se repent. Il est toujours représenté à la droite du Christ.
Le voleur qui ne se repent pas est appelé le mauvais larron ; il est à la gauche du Christ et on le reconnaît à son expression grimaçante.
Le crâne placé au pied de la croix fait allusion au nom hébreu " Golgotha " qui veut dire crâne.
050. Paolo Uccello, 1397-1475
La Bataille de San Romano, vers 1455, bois, 1,82 x 3,17
Ce tableau fait partie d'une série de trois panneaux relatant la bataille de San Romano, bataille qui opposa les Siennois et les Florentins en 1432. La série fut probablement commandée par Côme de Médicis pour décorer une pièce du Palais Médicis de Florence. L'œuvre représente la contre-attaque de Micheletto da Cotignola qui assura la victoire aux Florentins. Les deux autres panneaux sont conservés à la National Gallery de Londres et aux Offices à Florence. Malgré le rôle décoratif de la peinture, c'est une des premières grandes œuvres de la Renaissance où la perspective, c'est-à-dire la traduction par le dessin de la profondeur, joue une très grand rôle.
Micheletto da Cotignola, représenté au centre de la composition, entraîne ses hommes à l'assaut. Il est coiffé d'un turban à quatre étages appelé le mazzochio, attribut du noble florentin.
Tous les soldats portent des casques avec des plumets géométrisés qui leur donnent une allure quelque peu fantastique.
Des soldats dont on ne voit que les jambes gainées de collants rouges, verts et jaunes, s'activent autour des chevaux et des soldats.
Les bannières brandies par les soldats présentent les couleurs de Florence.
Le cheval est ici réduit à un volume simple et est vu en raccourci, ce qui est un des moyens d'exprimer la perspective. L'espace dans lequel tient les sabots du cheval est extrêmement réduit.
051. Antonello da Messina, connu en1456-1479
Portrait d'homme dit Le Condottiere, 1475, bois, 0,36 x 0,30
On ignore l'identité du modèle qui a été surnommé "le Condottiere", c'est-à-dire chef militaire, probablement en raison de l'expression d'autorité qui se dégage de son visage. Celui-ci, vu de trois-quarts, se détache avec force sur le fond sombre dans lequel semble aussi presque disparaître le vêtement, les cheveux et le bonnet. Cette œuvre réalisée pendant le second séjour vénitien de l'artiste en 1475-1476 montre bien la synthèse accomplie par le peintre entre la technique à l'huile des Flamands et la sobre monumentalité chère aux peintres toscans.
Sur le cartellino, c'est à dire le petit papier en trompe l'œil fixé sur le rebord du tableau, on peut lire la date et la signature : " 1475/ Antonellus messaneus me pinxit ". C'est à dire : " Antonello de Messine m'a peint en 1475 ".
Les mâchoires serrées et la cicatrice qui barre la lèvre supérieure témoignent d'un caractère dominateur.
Grâce à la technique de la peinture à l'huile, Antonello révèle la transparence de la peau et montre l'ombre bleutée de la barbe sur le visage.
052. Alessandro Filipepi, dit Botticelli, vers 1445-1510
Vénus et les grâces offrant des présents à une jeune fille, vers 1483, fresque, 2,11 x 2,83
Cette fresque fut acquise par le Louvre en 1883 après sa découverte dans la villa Lemmi près de Florence où elle décorait une loggia. Probablement réalisée à l'occasion d'un mariage, la composition montre une jeune fille, peut-être la future épouse qui se dirige vers Vénus accompagnée des trois Grâces. Une autre fresque lui fait pendant. Elle représente le jeune homme devant l'ensemble de sept jeunes femmes, à l'orée d'un bois, personnifiant les arts libéraux. Ces deux fresques, aux allégories subtiles qui enchaînent élégamment les courbes, les couleurs claires, la souplesse des figures féminines caractérisent bien l'art de Botticelli et sont typiques du milieu humaniste de la Florence des Médicis.
Ces doux visages penchés, à l'expression à la fois heureuse et légèrement mélancolique, ont rendu populaires les figures féminines de Botticelli, qu'il s'agisse de Vierges à l'Enfant ou, comme ici, de personnages de la mythologie classique.
Le visage de Vénus, déesse de l'Amour et symbole de la beauté et de l'harmonie dans la mythologie grecque et romaine, vue ici de profil a été un peu détériorée par le temps.
Le visage de la jeune fiancée est montré de trois-quarts. La jeune fille est vêtue d'un costume contemporain, à la différence des quatre figures mythologiques drapées à l'antique.
Au premier plan, l'Amour, fils de Vénus, est représenté comme un petit enfant ailé, vêtu d'une tunique et portant ses flèches dans un carquois.
053. Domenico Ghirlandajo, 1449-1494
Portrait d'un vieillard et d'un jeune garçon, vers 1488, bois, 0,62 x 0,46
Ce double portrait doit sa popularité à l'expression de simple tendresse qui unit les deux personnages, probablement le grand-père et son petit-fils. Il présente un contraste saisissant entre la finesse et la pureté du jeune visage confiant, et les atteintes portées par l'âge à l'homme d'expérience, avec ses cheveux blancs, ses rides et son étonnant nez bourgeonnant.
Le limpide paysage vu par la fenêtre contribue à la paix et au recueillement de la scène.
Le profil de l'enfant se détache avec la précision d'un bas-relief comme sur les médailles contemporaines de l'œuvre.
Le nez presque difforme du vieillard révèle le souci réaliste de Ghirlandajo.
054. Vittore Carpaccio, vers 1450/1454-1525/1526
La Prédication de saint Etienne à Jérusalem, vers 1514, toile, 1,48 x 1,94
Les six scènes de la Vie de saint Etienne furent peintes par Carpaccio vers la fin de sa carrière entre 1511 et 1515 pour la Scuola dei Lanieri, une confrérie religieuse créée par des artisans, à San Stefano. La Prédication de saint Etienne est le deuxième épisode de la série. L'artiste montre Etienne prêchant dans une Jérusalem fantaisiste bâtie de monuments évoquant à la fois l'ancienne Rome et Constantinople.
Turbans, étoffes somptueuses : les costumes participent du pittoresque oriental cher aux Vénitiens.
L'arrière plan montre une foule de personnages avec des costumes pittoresques et exotiques et des animaux difficiles à identifier.
Un arc de triomphe évoque l'architecture romaine tandis que minarets et coupoles font référence à l'architecture de Constantinople.
La foule qui écoute sagement accueille le message sans émotion apparente. Leurs costumes symbolisent les différentes parties du monde car l'Evangile s'adresse à tous les peuples.
Saint Etienne prêche l'Evangile debout sur une base de colonne antique entouré de débris d'architecture qui font allusion au monde chrétien grandissant sur les ruines de l'antiquité.
055. Léonard de Vinci, 1452-1519
Portrait de Monna Lisa dite la Joconde, 1503-1506, bois, 0,77 x 0,53
De nombreuses hypothèses ont été émises à propos de l'identité de ce modèle au mystérieux sourire. Il s'agit très probablement de Monna Lisa, alors âgée d'une vingtaine d'années, épouse de Francesco Giocondo, un notable florentin. Ce tableau a été exécuté pendant le second séjour de Léonard à Florence entre 15OO et 15O6 pour le mari de la Joconde ou, comme certains l'ont suggéré, pour Julien de Médicis, amant supposé de Monna Lisa. Le tableau a depuis fasciné et a inspiré de très nombreux artistes. Il a pris valeur de type idéal et représente le symbole de l'harmonie de l'être humain et de la nature.
Le sourire de la Joconde a fasciné tous ses admirateurs qui y ont vu tour à tour mystère, mélancolie, paix intérieure. Elle sourit davantage du coin gauche de sa bouche, ce qui est en accord avec certains traités de beauté de l'époque.
Comme toutes les femmes élégantes qui suivaient la mode, Monna Lisa a un front haut, car les cheveux sont épilés à la naissance du front.
Les entrelacs sur la robe, près du décolleté, sont chers à Léonard de Vinci qui aimait en composer les plus compliqués possible.
De nombreux artistes comme Raphaël, reprendront par la suite cette façon de placer les mains ainsi au premier plan.
Le paysage a été interprété comme une vue imaginaire de l'univers. Vers le bas, le paysage le plus réaliste montre d'un côté une route qui serpente ; les lointains, avec les hautes montagnes bleutées semblent appartenir au domaine du rêve.
056. Léonard de Vinci, 1452-1519
La Vierge l'enfant Jésus et sainte Anne, 1509, bois, 1,68 x 1,30
Le tableau illustre un thème rare datant du Moyen Age : celui de la Vierge tenant elle-même l'Enfant, assise sur les genoux de sainte Anne, sa mère. Il s'agit d'une des œuvres que Léonard a le plus longuement élaborée puisqu'il exécuta pour elle de nombreux dessins. Le tableau du Louvre, peint vers 151O à la fin du second séjour de l'artiste à Milan est demeuré en partie inachevé (notamment la figure de la Vierge).
Le visage de sainte Anne, les yeux baissés, qui regarde en souriant la Vierge et l'Enfant, illustre un des exemples les plus aboutis du sfumato de Léonard de Vinci, c'est-à-dire un modelé très doux, presque vaporeux, qui évoque la fumée.
Le visage de la Vierge, vu sous un angle particulièrement complexe, est exécuté plus légèrement que celui de sainte Anne, dans des couleurs transparentes. Il n'est peut-être pas achevé.
Le paysage de hautes montagnes de l'arrière plan, dans des tonalités bleutées, évoque la complexité de l'univers. Léonard en a souvent dessiné et peint de comparables, notamment derrière la Joconde.
L'Enfant Jésus aux petites boucles régulières veut jouer avec l'agneau qu'il attire vers lui et qu'il cherche à enjamber. Il se retourne vers la Vierge qui tente de l'en empêcher.
L'agneau symbolise le sacrifice et la mort future de Jésus.
057. Raffaello Santi, dit Raphaël, 1483-1520
La Vierge à l'Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste dite La Belle Jardinière, 1507, bois, 1,22 x 0,80
Ce chef-d'œuvre de la période florentine de Raphaël, qui illustre les vertus maternelles de la Vierge, fut peint en 15O7 ou 15O8, peu avant le départ de l'artiste pour Rome. Le groupement des figures disposées en triangle montre bien la profonde influence qu'a exercée sur lui Léonard de Vinci. Le titre paraît remonter au XVIIe siècle et signifie que les personnages vêtus avec simplicité sont installés dans un paysage. L'équilibre des formes, l'éclat du coloris et la délicatesse rayonnante du tableau marquèrent la peinture européenne jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Le visage ovale, les yeux légèrement gonflés, le nez droit, la bouche petite et charnue, composent un genre physique très en vogue parmi les peintres classiques jusqu'à Ingres.
Le petit saint Jean porte déjà les attributs qui seront les siens à l'âge adulte : la peau de bête et la croix. Il regarde à demi-agenouillé l'enfant qu'il baptisera plus tard. Il ne prend le nom de Baptiste qu'une fois adulte, après avoir baptisé Jésus.
L'église qui apparaît à l'arrière plan évoque l'architecture de certaines églises d'Europe du Nord.
L'œuvre est signée et datée en chiffres romains 1507 ou 1508 sur la bordure dorée du manteau bleu de la Vierge.
058. Raffaello Santi, dit Raphaël, 1483-1520
Portrait de Balthazar Castiglione (1478-1529), 1514-1515, toile, 0,82 x 0,67
Raphaël peignit ce portrait pendant un séjour de Balthazar Castiglione à Rome. Il s'agit de l'ambassadeur de la cour d'Urbin auprès du pape. La toile connut un énorme succès et l'œuvre sera plus tard copiée par Rubens, Rembrandt et Delacroix. Castiglione, également écrivain, était l'ami de Raphaël qu'il avait connu tout jeune à la cour d'Urbin et avec lequel il entretenait une correspondance. Les deux hommes, passionnés par l'art et la littérature de l'antiquité partageaient un même idéal d'harmonie et d'équilibre.
Castiglione représentait l'idéal de "l'homme de cour", cultivé, élégant, sans affectation, recherchant le naturel et même une certaine désinvolture. L'empereur Charles Quint l'appelait d'ailleurs le "meilleur chevalier du monde".
Raphaël a donné à ce visage de beaux yeux bleus rayonnant au milieu de la gamme de tons rosés et beiges.
059. Andrea del Sarto, 1486-1530
La Charité, 1518, toile, 1,85 x 1,37
La Charité est le seul tableau conservé du séjour d'Andrea del Sarto en France où il avait été appelé par François Ier en 1518. Il représente une des trois vertus théologales : la Charité, parfois représentée avec ses deux sœurs, la Foi et l'Espérance. La Charité symbolise l'amour divin. Elle est figurée par une jeune femme entourée d'enfants qu'elle protège.
L'œuvre est signée et datée en latin sur la feuille de papier posée sur le sol à gauche : " Andreas Sartus Florentinus me pinxit MDXVIII "; c'est-à-dire : "" Andrea del Sarto m'a peint en 1518 ".
La petite fille tient dans sa main des noisettes : la noisette comme la noix est un symbole de la Trinité.
Les fleurs représentées ont toutes un contenu symbolique : le pissenlit au pied de la Charité, tout comme la pensée à gauche avec ses cinq pétales est une allusion à la Passion. La pâquerette est associée à l'Incarnation.
La grenade avec les grains qu'elle tient réunis est à la fois symbole de la Charité chrétienne, de la Connaissance et de la Passion à cause de sa couleur rouge.
Le brasero qui flambe dans l'ombre fait allusion à l'ardeur de la Charité.
L'épisode qui se déroule en haut à gauche reste mystérieux. Il semble s'agir d'une réunion galante qui symboliserait l'amour sensuel opposé à l'amour divin.
060. Tiziano Vecellio, dit Le Titien, 1488/89-1576
L'Homme au gant, 1523, toile, 1,00 x 0,89
Dans les collections royales depuis le XVIIe siècle, ce portrait de jeune homme pourrait représenter Ferdinand de Gonzague, le jeune frère du marquis de Mantoue. Sobrement vêtu, dans une attitude qui semble saisie sur le vif, il se détache sur un fond neutre et sombre sans effet de lumière, ce qui met en évidence les éléments importants du portrait : le visage et les mains. Son intensité et sa ferveur nouvelles annoncent le Romantisme.
L'œuvre est signée en latin en bas à droite sur un bloc de pierre TICIANUS, pour le Titien.
Le jeune homme porte des gants de cuir fin échancrés qui donnent leur nom au tableau. Le gant enlevé révèle la chevalière, peut-être un symbole de foi donnée à une future épouse.
La chaîne d'or terminée par un médaillon décoré d'un saphir et d'une perle indique le rang élevé du personnage.
061. Tiziano Vecellio, dit Le Titien, 1488/89-1576
Le Concert champêtre, vers 1510, toile, 1,05 x 1,37
Le sujet du tableau qui réunit dans un paysage bucolique deux musiciens et deux jeunes femmes nues a fait couler beaucoup d'encre, sans que l'on puisse vraiment lever le mystère. S'agit-il d'un concours musical entre deux jeunes gens, un berger et un seigneur ? On a souvent dit que les deux femmes dont l'une puise de l'eau à la fontaine et l'autre tient une flûte, étaient invisibles à leurs yeux. La qualité de la lumière, celle d'une fin d'après-midi d'été, la somptuosité des couleurs chaudes, le mystère même de son sujet en font un chef-d'œuvre de poésie.
On ne sait pas si la jeune femme de gauche prend de l'eau à la fontaine dans une carafe de cristal, ou au contraire la verse. Elégante, elle serait la muse du luth.
Un jeune homme élégant à gauche joue du luth, instrument du citadin tandis qu'un homme ébouriffé, un berger peut-être l'écoute. Il représente le chant.
La femme de droite joue de la flûte. Construite sur un schéma triangulaire, elle est d'un dessin moins ample que celle de gauche ; c'est la figure du tableau la plus proche de Giorgione. Elle pourrait symboliser le chant.
Le paysage, sensible aux lumières changeantes, est d'un raffinement chaleureux et mélancolique. On y aperçoit un berger conduisant son troupeau.
062. Antonio Allegri, dit Le Corrège, 1489-1534
Vénus, satyre et Cupidon, vers 1525, toile, 1,88 x 1,25
On a longtemps cru que la toile représentait Antiope, princesse séduite pendant son sommeil par Jupiter qui avait pris la forme d'un satyre. Il montre en réalité Vénus, déesse de l'Amour, accompagnée de Cupidon, surpris pendant leur repos par un satyre qui les contemple. Le tableau peut avoir constitué un pendant de l'Education de l'Amour actuellement à la National Gallery de Londres. Peinte vers 1529-153O pour Frédéric II de Gonzague, duc de Mantoue, la toile passe dans les collections de Charles Ier d'Angleterre, puis dans celles de Mazarin et fut acquise des héritiers de celui-ci par Louis XIV.
Vénus, déesse de la Beauté et de l'Amour, née de l'onde marine, épouse de Vulcain et mère de l'Amour, fit de nombreuses conquêtes parmi les dieux et les mortels.
Cupidon, le jeune dieu de l'Amour, fils de Vénus, est bien reconnaissable à son arc et à son carquois qui contient les flèches dont il frappe les mortels.
Corrège affectionne les raccourcis, c'est-à-dire les déformations du corps vus sous certains angles, comme on peut le voir ici pour les corps nus de Vénus et de l'Amour.
063. Paolo Caliari, dit Le Véronèse, 1528-1588
Les Noces de Cana, 1562-1563, toile, 6,66 x 9,90
Peint pour le mur du fond du réfectoire du couvent des moines bénédictins de San Giorgio Maggiore, à Venise, l'immense tableau couvre près de 7O m2 et montre 132 figures ! C'est la plus ambitieuse entreprise de Véronèse pour traiter un épisode de la Bible au milieu du faste et de l'apparat de la Venise de son temps. Le miracle des Noces de Cana, relaté dans l'Evangile de Saint Jean, constitue le premier épisode de la vie publique du Christ. Invité avec sa mère, la Vierge Marie, à un repas de noces à Cana, en Galilée, au moment où le vin manque, Jésus change l'eau en vin. L'événement est considéré comme la préfiguration de la Cène, où le Christ instituera l'Eucharistie.
Au centre de la composition, le buste du Christ, immobile et grave, contraste avec la gaieté ambiante. Le visage de la Vierge, à ses côtés, présente la même expression de gravité. Tous deux ont la tête entourée d'un nimbe.
Ici, les serviteurs constatent le miracle ; l'un deux, au premier plan, verse l'eau changée en vin dans une aiguière dorée.
Ce personnage pique dans son assiette avec une fourchette à deux dents : l'objet, connu déjà depuis quelque temps en Italie, n'était utilisé que du bout des doigts et de façon verticale.
Comme on le faisait dans les palais de Venise, les plats et les vases d'orfèvrerie sont disposés sur un grand dressoir vertical sur la gauche.
Au centre géométrique du tableau, on note deux symboles du sacrifice et de l'Eucharistie : l'agneau tranché par un serviteur juste au-dessus de la tête du Christ et dans le même axe une gourde de pèlerins qui peut symboliser l'eau qui devient le vin de l'Eucharistie.
Déjà au XVIe siècle, on cherchait à identifier les personnages contemporains dans les Noces de Cana. Ces identifications restent très discutées. Sur la gauche du tableau, assis à table, on reconnaîtrait de gauche à droite, représentant les mariés, Alphonse d'Avalos et Eléonore d'Autriche, puis François Ier, Marie Tudor, le sultan Soliman le Magnifique, Vittoria Colonna et l'empereur Charles Quint de profil.
Au centre, le groupe des musiciens figurerait des artistes vénitiens contemporains : Le Titien en rouge jouant de la contrebasse, Véronèse lui-même, en blanc jouant de la viole, et peut-être Le Tintoret, Jacopo Bassano et l'architecte Palladio.
064. Jacopo Robusti, dit Le Tintoret, 1518-1594
Le Paradis, vers 1578-1579, toile, 1,43 x 3,62
Il s'agit de l'esquisse de l'immense peinture de 22 mètres de long du Palais des Doges de Venise peinte en grande partie par les élèves du Tintoret. En 1578, après l'incendie de la Salle du Grand Conseil du Palais ducal de Venise, un concours fut ouvert, sur le thème du Paradis, pour décorer le mur du fond de la nouvelle salle. Ce concours fut remporté par Véronèse* dont l'esquisse est au musée de Lille et Jacopo Bassano, qui devait aussi travailler à ce chantier. Mais ni l'un ni l'autre ne se mirent au travail. A la mort de Véronèse* en 1588, c'est donc le Tintoret qui remporta le nouveau concours avec cette esquisse du Louvre.
Le Christ couronne sa mère, la Vierge Marie, qui après sa mort et son Assomption est sacrée reine du ciel.
Sous le groupe principal les quatre Evangélistes et les Pères de l'église sont réunis sur un nuage.
Les saints guerriers comme saint Georges que l'on reconnaît à leurs armures sont regroupés
Au dessus des saints évêques, reconnaissables à leurs mitres, Moïse porte les Tables de la Loi.
On reconnaît ici Adam et Eve, le premier couple de l'humanité.
065. Michelangelo Merisi, dit Le Caravage, vers 1571-1610
La Diseuse de bonne aventure, vers 1594-1595, toile, 0,99 x 1,31
Cadeau du prince romain Camillo Pamphili à Louis XIV en 1665, la Diseuse de bonne aventure est un chef-d'œuvre de la première manière du Caravage à un moment où il utilise des couleurs claires et lumineuses. Le goût des sujets empruntés directement à la réalité populaire fit la réputation du peintre et souvent choqua. Le tableau montre, traité avec réalisme, un tout jeune homme de la bonne société qui tend la main à une jeune bohémienne pour qu'elle lui prédise son avenir.
La jeune bohémienne est peinte de façon réaliste. Elle porte une couverture attachée sur l'épaule, un turban blanc. Son teint est halé et ses cheveux noirs désordonnés.
Un jeu de mains et de dupes : la bohémienne qui lit l'avenir dans les lignes de la main du jeune homme plein de confiance en profite pour lui voler sa bague.
Le jeune homme, la main sur la hanche, a le type des jeunes seigneurs en Italie. Il est vêtu avec élégance : collerette, chaînes, gants, chapeau à plume.
066. Annibal Carrache, 1560-1609
La Pêche, avant 1595, toile, 1,36 x 2,53
Cette œuvre et son pendant, La Chasse, ont été offerts en 16O5 par le Prince Camillo Pamphili à Louis XIV, en même temps que la Diseuse de bonne aventure du Caravage. La Pêche et La Chasse ont été exécutées à Bologne avant le départ d'Annibal Carrache pour Rome. La veine réaliste dominait alors la peinture bolonaise. La présence d'éléments naturalistes rapproche ces paysages des tableaux vénitiens du XVIe siècle. Pourtant, Carrache peint ici une œuvre à l'origine d'une grande tradition, celle du paysage composé. Au lieu de copier directement la nature, il organise les différents éléments de façon rigoureuse et réfléchie, comme le feront après lui Dominiquin et Poussin.
Le groupe de droite montre un couple de seigneurs à qui on présente des poissons.
La barque, au centre, chargée de pêcheurs, est traitée avec naturalisme comme le faisaient à Venise au XVIe siècle des peintres tels que Jacopo Bassano.
Différentes constructions rustiques animent le paysage, éclairé par une lumière contrastée qui filtre au travers des nuages.
067. Guido Reni, 1573-1642
Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1620-1621, toile, 2,39 x 1,93
Cette œuvre fait partie d'une série de quatre tableaux sur la vie d'Hercule exécutés entre 1617 et 1621 pour le duc de Mantoue. Elle suivit un parcours prestigieux. Elle a été vendue à Charles Ier, roi d'Angleterre, puis achetée par le banquier de Cologne Jabach et enfin acquise pour les collections royales. Reni représente ici l'épisode où le centaure Nessus, sous prétexte d'aider Déjanire, seconde épouse d'Hercule, à traverser le fleuve, en profite pour l'enlever. Caractéristique de l'esprit baroque de Reni, cette œuvre eut une grande importance pour la peinture et la sculpture des XVIIe et XVIIIe siècles.
Hercule, resté sur la rive, assiste, impuissant, à l'enlèvement de Déjanire, sa femme. Il se vengera en envoyant à Nessus une flèche empoisonnée avec le sang de l'Hydre.
Nessus est chargé de faire passer aux voyageurs le fleuve Eremos. Son visage riant est particulièrement frappant comparé à l'effroi qui se lit sur celui de Déjanire.
068. Gian Domenico Tiepolo, 1727-1804
Scène de carnaval ou Le Menuet, 1750, toile, 0,80 x 1,10
Dans cette œuvre de jeunesse, Gian Domenico Tiepolo s'inspire du style de son père Giambattista dont il fut l'élève et le collaborateur. Le tableau montre une scène de danse sur une place de Venise, au moment du carnaval, dans un style brillant, alerte et coloré. Un couple, au centre, est contemplé par une assemblée de personnages assis qui conversent.
La jeune femme fait la révérence finale du menuet en déployant sa robe à paniers. Elle paraît à peine voir la foule bigarrée et bruyante qui l'entoure.
Les personnages masqués se pressent autour des deux danseurs. Parmi eux, on identifie plusieurs polichinelles coiffés de hauts chapeaux blancs.
Un arlequin masqué de noir tient fermement son bâton.
Sur la gauche des aristocrates, masqués ou non, côtoient d'autres personnages grimés du monde du théâtre.
069. Francesco Guardi, 1712-1793
Le Départ du Bucentaure vers le Lido de Venise le jour de l'Ascension, 1766, toile, 0,66 x 1,01
Ce tableau fait partie de la série des Fêtes vénitiennes qui comprenait douze tableaux peints par Guardi entre 1766 et 177O et représentait les cérémonies du couronnement du doge Alvise Mocenigo en 1763. Ici, Guardi représente la plus attendue des cérémonies, c'est-à-dire la fête qui commémore les noces de Venise et de la mer. L'exécution légère, à la pointe du pinceau, le charme des couleurs sont bien caractéristiques de l'artiste. La série, après avoir été dispersée entre différents musées de province, est maintenant pratiquement entièrement conservée au Louvre qui possède 1O œuvres sur 12.
Chaque année à l'Ascension, le doge partait sur une somptueuse galère rouge, le Bucentaure, et allait jeter un anneau à la mer pour rappeler la domination maritime de la ville. Le Bucentaure est entouré de nombreuses gondoles rouges ou noires.
Sur le quai, on remarque une affluence considérable et notamment des figures masquées et portant de grands manteaux noirs que l'on appelle Domino.
070. Jan Van Eyck, vers 1385/1390-1441
La Vierge du chancelier Rolin, vers 1435, bois, 0,66 x 0,62
Ce tableau de Van Eyck a été saisi à la Révolution dans la collégiale d'Autun, en Bourgogne. Il met en scène le chancelier Rolin, haut dignitaire à la cour de Bourgogne et commanditaire du tableau. Il se tient en prière devant la Vierge tenant l'Enfant, qui le bénit. Les figures sont disposées dans une loggia romane dont les chapiteaux sont sculptés de scènes de l'Ancien Testament. L'emploi de la peinture à l'huile permet, à côté d'une grande finesse dans le détail, une traduction délicate des matériaux : les différents tissus, les bijoux, les fourrures, le verre, les minéraux ou les plantes. Une lumière chaude et transparente donne son unité à l'ensemble.
Nicolas Rolin, qui vécut de 1376 à 1462, est vêtu d'un somptueux vêtement de brocard doublé de fourrure. Il est représenté avec un grand réalisme.
La Vierge, les yeux baissés, ses longs cheveux blonds sur les épaules, est représentée en reine du Ciel ; en effet un ange tient au-dessus de sa tête une riche couronne.
Un petit jardin fleuri, au delà de la loggia est appelé le "jardin clos" qui symbolise la virginité de Marie. On a identifié trente variétés de fleurs.
Deux hommes, sur le chemin de ronde, regardent la ville qu'ils dominent : on les a parfois identifiés, probablement à tort, comme étant les deux frères Van Eyck.
La ville, au-delà du petit jardin, est représentée avec un grand souci de précision. Mais il semble s'agir d'une ville idéale. La perspective atmosphérique est traduite avec finesse, jusqu'aux lointains de montagnes enneigées.
Sur les chapiteaux, plusieurs scènes sont décrites. Au-dessus du chancelier Rolin, on voit Adam et Eve chassés du Paradis, le Meurtre d'Abel par Caïn et l'Ivresse de Noé, symbolisant la foi blessé de l'homme.
Les chapiteaux situés au-dessus de la tête de la Vierge représentent : la Rencontre d'Abraham et de Melchisédech qui est une préfiguration de l'Eucharistie.
071. Hans Memling, vers 1435-1494
Portrait d'une femme âgée, 1470, bois, 0,35 x 0,29
Ce portrait de femme par Memling faisait partie d'un tableau plus large montrant aussi, à gauche, l'époux du modèle qui se trouve au musée de Berlin. Le paysage du fond se poursuit exactement d'un tableau à l'autre. Telle que, pourtant, la peinture est parfaitement équilibrée. Le cadrage serré, l'intérêt porté sur le visage légèrement de trois-quarts, la présence du paysage, sont des traits bien caractéristiques de la peinture flamande de la deuxième moitié du XVe siècle.
La douceur et la sensibilité de ce modèle qui n'a pu être identifiée, tempèrent la description réaliste des traits marqués par l'âge. L'expression est méditative et réservée.
Le paysage finement travaillé et sensible aux effets atmosphériques rappelle les œuvres de Van Eyck et de Van Der Weyden.
Cette femme est vêtue d'une simple robe noire retenue à la taille par une ceinture rouge dont l'encolure est bordée par de la fourrure : chaque matière est rendue avec une précision et un réalisme chers aux peintres flamands du XVe siècle.
072. Quentin Metsys, 1465/66-1530
Le Prêteur et sa femme, 1514, bois, 0,70 x 0,67
Ce prêteur et sa femme est l'une des plus anciennes "scènes de genre" de l'histoire de la peinture. Mais l'œuvre a également une intention moralisante car l'ancien cadre portait cette inscription : "que la balance soit juste et les poids égaux". La balance, instrument de travail de ce couple d'usurier mais aussi symbole de justice, fait allusion au jugement dernier. Le style de Metsys, avec ses nombreuses natures mortes et notamment le miroir placé au premier plan rappelle l'art de Van Eyck.
La signature : " Quinten Massys schilden 1514 ", c'est-à-dire : " Quentin Massys a peint ", en néerlandais, est lisible sur le dossier posé sur l'étagère.
Le miroir convexe, dévoile l'existence d'une fenêtre et d'une figure d'homme. C'est un motif qui a déjà été traité par Van Eyck plusieurs années auparavant..
De nombreuses natures mortes émaillent le tableau comme les pièces d'or, les perles, et le vase richement monté.
Les mains délicates de la jeune femme tournent les pages d'un livre d'heures enluminé où l'on distingue une Vierge à l'Enfant.
073. Pieter Brueghel, dit Le Vieux, vers 1525-1569
Les Mendiants, 1568, bois, 0,18 x 0,21
Ce minuscule tableau, le seul Brueghel le Vieux conservé au Louvre, est l'un des derniers de l'artiste. Son sujet a été très controversé : ces mendiants estropiés représentent-ils les différentes classes de la société, ou une satire contre la domination espagnole ou encore partent-ils pour le carnaval ? Les poses contorsionnées, les mouvements saisis avec justesse montrent le sens d'observation aigu du peintre et donnent une vision sarcastique de la condition humaine.
Le personnage coiffé d'une couronne de carton rouge représenterait le roi.
Le mendiant avec un chapeau en papier représenterait le soldat.
Le personnage portant un béret serait le bourgeois.
Ce personnage avec un béret représenterait le paysan
Le personnage de droite avec la mitre représenterait l'évêque.
Les queues de renard qui ornent les vêtements des mendiants et des lépreux peuvent avoir deux significations. Elles sont portées lors de la fête des mendiants qui a lieu le lundi suivant l'Epiphanie. Elles sont aussi le symbole de la résistance à la domination espagnole.
Le tout petit paysage, au fond du tableau, montre la qualité et la fraîcheur lumineuse que peut atteindre Brueghel en représentant la nature.
074. Petrus-Paulus Rubens, 1577-1640
Henri IV reçoit le portrait de Marie de Médicis, 1621-1625, toile, 3,94 x 2,95
La série des vingt-quatre tableaux illustrant la Vie de Marie de Médicis, reine de France, épouse de Henri IV et mère de Louis XIII, fut commandée par la souveraine à Rubens pour une galerie de son palais du Luxembourg à Paris. L'artiste les peint entre 1621 et 1625. Dispersées à la fin du XVIIIe siècle, les toiles se trouvent toutes réunies aujourd'hui au Louvre. La vie de la souveraine est contée sur le mode allégorique, des représentations mythiques côtoyant les personnages historiques : leurs formes sont pleines et énergiques, leurs expressions paisibles et florissantes. Les couleurs chaudes dominent la gamme colorée claire et brillante.
Aux pieds du roi, deux amours tiennent l'un son casque et l'autre son bouclier ; ils paraissent vouloir jouer avec les armes royales pour éviter qu'elles ne servent, afin d'assurer au pays une longue paix.
Vu de profil, avec son nez caractéristique et son expression chaleureuse et malicieuse, Henri IV trouve ici un de ses plus beaux portraits. Dans un paysage, le roi en armure contemple avec satisfaction le portrait de sa future épouse.
L'Amour et l'hymen, divinité du mariage, semblent montrer au roi toute la beauté du portrait de Marie ; celui-ci est encadré de bois noir, comme l'étaient souvent les portraits de l'époque.
La France, représentée par une jeune femme casquée vêtue d'un manteau bleu fleurdelysé, conseille au roi d'accepter le mariage.
Le couple que forment Jupiter et Junon, le roi et la reine des dieux, contemple la scène. Jupiter est accompagné d'un aigle, Junon de ses paons. Il s'agit d'une allusion au couple que formeront bientôt le roi et la reine de France.
075. Petrus-Paulus Rubens, 1577-1640
La Kermesse, vers 1635-1638, bois, 1,49 x 2,61
Cette œuvre typiquement baroque de la fin de la carrière de Rubens, fut acquise au marquis de Hauterive pour Louis XIV à une époque où le goût pour la couleur des Flamands commençait à intéresser les peintres français contemporains. Il s'agit d'une fête villageoise, un de ses tableaux les plus mouvementés et sensuels, d'une énergie sans pareil. Les corps s'enchaînent et se nouent dans une sorte de tourbillon qui se dissipe dans le lointain.
Au premier plan, vers la gauche, assis sur des bottes de paille, un groupe truculent de paysans et de paysannes, dans la tradition de Brueghel, discute avec animation.
Bien en vue au centre du tableau, deux couples, assis sur l'herbe, s'enlacent avec vigueur.
Des couples dansent avec frénésie dans un rythme tournoyant et s'embrassent sans retenue avant de courir se cacher dans les bosquets.
076. Jacob Jordaens, 1593-1678
Les Quatre Evangélistes, 1625, toile, 1,34 x 1,18
La représentation des quatre auteurs des Evangiles est fréquente depuis le Moyen Age. Ici, Jean, Mathieu, Luc et Marc sont dépeints par Jordaens comme des personnages populaires, sans souci d'idéalisation et sans les animaux qui permettent, selon la tradition médiévale, de les identifier. Les trois évangélistes âgés entourent Jean, le plus jeune, drapé de blanc et tous se penchent vers le livre sacré, l'Evangile. Le contraste entre les âges de la vie est cher aux peintres travaillant dans l'esprit du Caravage.
Ces forts contrastes d'ombre et de lumière et une matière picturale épaisse, caractérisent le réalisme de la première partie de la carrière de Jordaens.
L'expression recueillie et la jeunesse de saint Jean contraste avec les visages marqués par l'âge des trois hommes qui l'entourent.
077. David II Téniers, dit Le Jeune, 1610-1690
Fête villageoise avec couple aristocratique, 1652, toile, 0,80 x 1,09
Les sujets paysans sont fréquents dans la peinture de Teniers, dans la tradition de l'art de Brueghel l'Ancien et de Brouwer. Cette veine rustique et réaliste connut un grand succès pour son pittoresque et son traitement minutieux. Ici, l'artiste, au sommet de sa carrière, dans ce vaste paysage animé, se montre sensible à l'influence de Rubens par son goût des couleurs chaudes et la vie qui anime les figures.
Un couple élégant arrivé de la ville vient assister à la fête champêtre, ce qui permet au peintre de plaisants contrastes d'attitudes, de costumes, de types sociaux.
Sur la gauche, un ivrogne est reconduit chez lui par une femme. Ce type de détails anecdotiques, à tendance caricaturale, plaisait beaucoup aux amateurs de peinture de l'époque.
Une scène réaliste : toute une famille est attablée ; une jeune mère allaite un enfant.
078. Antoon Van Dyck, 1599-1641
Charles Ier roi d'Angleterre (1600-1649) à la chasse, vers 1635, toile, 2,66 x 2,07
Van Dyck fut le peintre ordinaire de Charles Ier, roi d'Angleterre et collectionneur averti. Le peintre réalise des portraits de l'aristocratie britannique et exécute de nombreuses effigies du roi et de la famille royale. Ici, il représente le roi âgé d'environ trente-cinq ans, élégamment mais simplement vêtu, comme un gentilhomme revenant de la chasse. Ce type de portrait cultivant à la fois la nonchalance et la distinction, qui intègre la figure dans un paysage boisé, séduisirent l'aristocratie britannique et inspirèrent les peintres anglais jusqu'au XIXe siècle.
Le visage traduit en même temps une expression de bienveillance et de distinction hautaine. Le souverain porte un large feutre noir rejeté sur le côté et une perle à l'oreille, selon la mode masculine de l'époque.
Derrière le roi, dans la pénombre, un écuyer s'occupe du cheval blanc et le visage d'un jeune valet se détache de profil sur le ciel.
Les lointains du paysage montrent la mer avec un bateau, allusion discrète à la puissance maritime de l'Angleterre.
Le cheval qui se lèche la patte est une allusion à certains motifs de Titien que Van Dyck admirait particulièrement
079. Jérôme van Aken, dit Jérôme Bosch, vers 1450-1516
La Nef des fous, vers 1500, bois, 0,58 x 0,32
Jérôme Bosch illustre ici un thème qui lui est cher : la folie humaine qui néglige l'enseignement du Christ. Beaucoup d'interprétations du tableau ont été données : satire des mœurs dissolues du clergé, allégorie de l'humanité qui va à sa perte, blâme de la gloutonnerie et de l'ivrognerie. L'artiste associe figures réalistes pittoresques et créatures imaginaires et diaboliques. Son dessin incisif est lisible à travers les minces couches de peinture à l'huile.
Un moine, une religieuse et d'autres passagers de la barque festoient, mangent et font de la musique. Ils ne pensent qu'aux plaisirs terrestres sans se soucier de leur salut. Tous veulent mordre dans un gâteau ou un fromage, qui, bizarrement, pendent par un fil.
Un fou tenant sa marotte boit dans une écuelle ; il est assis sur une branche d'un arbre auquel le bateau est attaché. C'est une allusion à la folie des hommes qui ne pensent qu'à se distraire, à boire et à manger. Au-dessous de lui, un homme vomit par dessus bord.
Dans le feuillage de l'arbre apparaît un petit visage inquiétant, probablement celui du démon.
080. Frans Hals, vers 1581/85-1666
La Bohémienne, vers 1628-1630, bois, 0,58 x 0,52
Le tableau appartient à une série de figures populaires peintes par Frans Hals dans les années 162O, dont fait partie aussi Le Bouffon, également au Louvre. Ces œuvres sont exécutées dans l'esprit réaliste des imitateurs de Caravage. Mais les couleurs claires et lumineuses où dominent les tons chauds et la touche enlevée sont caractéristiques de l'art de Frans Hals, très admiré par des peintres de la génération de Manet au XIXe siècle.
Plutôt que d'une bohémienne, il s'agit ici d'une courtisane, comme le montre bien le large décolleté, l'attitude provocante, les cheveux libres et l'expression narquoise.
Les touches larges et hachées, bien visibles qui donnent l'apparence d'inachevé, sont typiques de la manière de Frans Hals.
081. Jan Davidsz de Heem, 1606-1683/84
Un Dessert, 1640, toile, 1,49 x 2,03
Cette nature morte faisait partie de la collection de Louis XIV. Elle est typique de la manière ample et fastueuse de certains peintres hollandais en contact avec les Flamands comme de Heem. La scène du tableau se situe dans le cadre d'un palais. Tous les objets sont peut-être une allusion aux cinq sens : les fruits et les mets pour le goût, les objets précieux pour la vue, les fruits et les plantes pour l'odorat, les instruments de musique pour l'ouïe et les étoffes pour le toucher.
Le pâté ouvert, les aiguières, les verreries, les citrons à demi pelés sont autant de détails pittoresques et somptueux témoignant d'une vie fastueuse.
La montre posée sur la table constitue une allusion au temps qui passe, et nous rappelle que toutes ces richesses ne sont qu'éphémères.
On peut lire sur la mappemonde la signature et la date suivante : " Johannes de Heem F. Ao 1640 ". Les lettres F et A sont des abréviations latines : " Fecit Anno ", c'est-à-dire : " a fait dans l'année ".
082. Harmensz van Rijn, Rembrandt, 1606-1669
Bethsabée au bain, 1654, toile, 1,42 x 1,42
Rembrandt illustre ici un épisode biblique. C'est le moment où Bethsabée, femme d'Urie, reçoit une lettre du roi d'Israël, David, qui la convie un soir dans son palais. Dans ce nu féminin, rare dans l'œuvre de Rembrandt, on s'accorde à reconnaître sa maîtresse avec qui il vivait depuis plusieurs années et qui lui donna un fils, Titus. Dans cette œuvre datant de sa maturité, Rembrandt élimine tout détail anecdotique : on se concentre sur l'attitude résignée de Bethsabée.
Il s'agit d'un portrait d'un réalisme sensible, à la belle expression grave et mélancolique. La maîtresse de Rembrandt, Hendrickje Stoffels est représentée à l'âge de 22 ans. L'artiste lui donne l'aspect d'une femme plus mûre.
La main de Bethsabée tient la lettre de déclaration d'amour du roi David.
L'autre main de Bethsabée est appuyée sur une draperie blanche, exécutée avec des empâtements bien visibles.
La servante dans le pénombre apprête probablement Bethsabée pour sa nuit d'amour avec le roi.
083. Joachim Wtewael, 1556-1638
Persée secourant Andromède, 1611, toile, 1,80 x 1,50
Andromède, qui a prétendu rivaliser en beauté avec les nymphes de la Méditerranée, les Néréides, a été attachée sur un rocher pour être livrée à un monstre marin. Persée vient la délivrer sur son cheval Pégase. Le sujet, tiré des Métamorphoses d'Ovide, connut un immense succès auprès des peintres maniéristes. Wtewael réunit ici trois genres picturaux en un seul tableau : le nu féminin, le paysage de l'arrière plan et le morceau de nature morte de coquillages au premier plan. Amoncellement d'éléments, lignes courbes et sinueuses, coloris irréaliste avec des dominantes de roses, de bleutés et de nacrés caractérisent le mouvement maniériste.
L'œuvre est signée à mi-hauteur en bas à gauche sur un rocher : " Joachim Wttewael fecit anno 1611 " : c'est-à-dire : " Jochim Wtewael a fait cette œuvre en 1611 ". Il était d'usage d'employer à l'époque des mots latins pour signer les œuvres.
Le paysage fantastique est exécuté dans des tons bleutés qui lui donnent une note irréaliste.
Ces ossements sont ceux des victimes qui ont été dévorées par le monstre. Ils côtoient le beau morceau réaliste formé par les coquillages.
Le monstre marin est un animal composite, à la fois élégant et terrifiant, comme les aimaient les artistes maniéristes.
Le héros, Persée, fils de Jupiter et de Danaé, est monté sur Pégase, son cheval ailé. Il vient délivrer Andromède, fille du roi d'Ethiopie qu'il épousera.
Le rendu des veines sur le corps d'Andromède témoigne du souci du peintre d'une représentation fine et attentive de la réalité.
084. Harmensz van Rijn, Rembrandt, 1606-1669
Le Bœuf écorché, 1655, bois, 0,94 X 0,69
Peintre d'histoire, portraitiste et paysagiste, Rembrandt ne s'est pas spécialisé dans un genre comme les autres peintres néerlandais. Il a même peint des natures mortes comme ce bœuf écorché. Il s'agit d'un thème fréquent dans la peinture hollandaise depuis le XVIe siècle. Au-delà de la description réaliste, Rembrandt réalise un morceau de peinture d'une grande liberté de couleur et de matière, qui sera très admiré au XIXe siècle et qui inspirera certains artistes du XXe siècle, comme Soutine.
En s'approchant, on voit l'étonnante liberté de son style : la description réaliste d'une carcasse devient un pur jeu de couleurs et de matière.
La servante, visible dans la pénombre à l'arrière plan, rappelle que l'on a ici l'écho d'un thème de cuisine traditionnelle dans les Pays-Bas depuis le XVIe siècle.
L'œuvre est signée et datée en bas à gauche : " Rembrandt f. 1655 " (le f. est une abréviation latine de " fecit ", qui signifie " a fait ").
085. Pieter de Hooch, 1629-1684
La Buveuse, 1658, toile, 0,69 x 0,60
Cette scène d'intérieur, peinte à Delft et qui annonce Vermeer contient une signification morale. A travers une courtisane, une entremetteuse et deux clients dans une maison de rendez-vous, le tableau condamne les vains plaisirs des sens comme ceux du tabac et du vin.
La carte du fond représente la ville d'Amsterdam, la plus grande ville des Pays-Bas du Nord au XVIIe siècle.
Cette jeune femme assise au premier plan, à l'allure un peu raide, est une courtisane qui reçoit deux hommes. Elle tend son verre dans lequel un des deux hommes verse du vin.
Le morceau réaliste du petit chien endormi, peint avec délicatesse est bien dans l'esprit néerlandais, attaché à la représentation de la paix de l'univers quotidien.
Le tableau discernable dans la pénombre représente le Christ et la femme adultère, ce qui souligne l'avertissement religieux.
086. Jacob van Ruisdael, 1628/29-1682
Le Coup de soleil, vers 1660, toile, 0,83 x 0,99
Ce vaste paysage de Ruisdael a été acquis sous Louis XVI à une époque où se constitue la collection de peinture hollandaise. Pour peindre cette vue imaginaire, Ruisdael s'inspire d'éléments réels qu'il associe : un moulin à vent, les ruines du château de Bréderode près de Haarlem, les collines de Gueldre et des confins rhénans. On a vu dans ce tableau grandiose, méditation picturale sur l'espace, une représentation de l'univers tout entier avec la plaine, les montagnes, la rivière, le château et l'église.
Le cavalier anonyme qui s'éloigne dans la pénombre donne au tableau une note de mélancolie
Le champ de blé, au centre du tableau est éclairé fugitivement par le soleil passant entre les nuages. Au XVIIIe siècle, c'est cette éclaircie qui a donné son titre au tableau.
Différentes constructions animent le paysage ; un pont, un château sur un promontoire, un moulin à vent et au fond une église.
Le grand panache des nuages se déploie avec majesté. Comme souvent dans la peinture hollandaise, le ciel occupe les deux tiers de la surface du tableau.
087. Johannes Vermeer, 1632-1675
La Dentellière, 1665, toile, 0,24 x 0,21
Vermeer fut tiré de l'oubli par la critique du XIXe siècle. C'est peu après que le Louvre acquiert ce minuscule chef-d'œuvre représentant une jeune femme à l'ouvrage. Typique de l'artiste par sa lumière claire, l'association du jaune et du bleu, il frappe à la fois par son réalisme, avec le coussin et les fils vus au premier plan, et par la rigueur et l'équilibre de la construction selon un schéma pyramidal. La lumière découpe des formes nettes, mais délicatement fondues et détache la figure devant un fond clair, uniforme mais lumineux.
Toute l'attention est concentrée sur le jeu des mains, le délicat travail de maniement des fuseaux, d'entrelacs des fils et du déplacement des épingles entre chaque point.
André Malraux croyait voir dans cette jeune femme au visage attentif et triangulaire, l'épouse de Vermeer, Catharina.
Les fils du premier plan paraissent plus flou, ce qui crée un effet d'optique particulier, à la manière des photographes.
088. Maître de Saint-Barthélemy, vers 1480-1510
La Descente de Croix, vers 1480, bois, 2,27 x 2,10
Ce grand retable, localisé à Paris dès le XVIe siècle a peut-être été peint pour une communauté de moines de saint Antoine car le bâton de saint Antoine et sa clochette ornent le cadre simulé. Le maître de saint Barthélémy donne ici une interprétation pathétique de la très célèbre Descente de croix de Rogier van der Weyden, exécutée vers 1435 et aujourd'hui au Prado à Madrid. De ce dernier, le Maître de saint Barthélemy reprend l'idée de disposer des figures grandeur nature qui se détachent comme des sculptures peintes sur un fond d'or.
La figure de sainte Madeleine, à côté du vase de parfums, son attribut traditionnel, exprime une douleur intériorisée.
L'aide, sur une échelle, qui tient un bras du Christ décloué de la croix, paraît presque recroquevillé, avec des étoffes compliquées dans le même esprit que les ornements sculptés du faux cadre.
Saint Jean soutient la Vierge qui défaille de douleur et dont le voile blanc est traité dans un esprit bien gothique, avec des plis découpés et fragmentés, sans souplesse.
Le corps du Christ est représenté avec réalisme et semble peser de tout son poids.
089. Albrecht Dürer, 1471-1528
Portrait de l'artiste tenant un chardon, 1493, parchemin collé sur toile, 0,56 x 0,44
Dürer s'est représenté ici à l'âge de vingt-deux ans, vu à mi-corps, sur un fond sombre, dans un style anguleux et précis proche de celui de ses dessins. Il s'agit du premier de ses trois autoportraits, avant celui du Prado de Madrid daté de1498 et celui de la Pinacothèque de Munich, daté lui de 15OO. Dürer est un des premiers artistes à attacher une importance à la représentation de ses propres traits.
L'artiste tient à la main une branche de panicaut, une sorte de chardon, symbole de la fidélité conjugale. En effet le tableau précède de peu le mariage du peintre avec Agnès Frey en 1494. On y a vu aussi une évocation de la couronne d'épines du Christ, et donc de la Passion.
Le visage précisément décrit est celui d'un tout jeune homme, dont on voit la barbe blonde qui n'est pas encore rasée.
A côté de la date de 1493, on peut lire une inscription en vieil allemand, signifiant : " Les choses qui m'arrivent suivent le cours qui leur est indiqué là-haut ".
090. Lucas Cranach, l'Ancien, 1472-1553
Vénus debout dans un paysage, 1529, bois, 0,38 x 0,25
Cette Vénus, déesse de l'Amour dans la mythologie grecque et romaine, est particulièrement représentative du style raffiné et précieux de Cranach, peintre des princes de Saxe et des milieux de la Réforme. Cranach fut aussi auteur de portraits, de scènes religieuses et mythologiques où il se démarque du goût de l'antique de la Renaissance italienne.
Vénus est coiffée d'un large chapeau rouge, semblable à celui des cardinaux ; Cranach étant lié au milieu protestant, certains ont vu dans l'œuvre une satire des Catholiques
Vénus tient devant son corps gracile une écharpe totalement transparente qui ne fait que souligner sa nudité.
La ville imaginaire, à l'arrière plan, avec ses remparts, ses tours et ses clochers se reflète dans l'eau du lac. Elle constitue un ensemble bien médiéval sans rapport avec la Renaissance italienne.
Le serpent ailé serrant dans sa gueule un anneau est la signature de Cranach ; ici, il se confond presque avec les cailloux du chemin.
091. Hans Holbein, 1497-1543
Érasme (1467-1536) écrivant, 1523, bois, 0,42 x 0,32
Erasme, le célèbre écrivain et théologien humaniste a posé devant les plus grands artistes de son temps, Quentin Metsys, Dürer ou Holbein, ce dernier ayant peint son portrait à plusieurs reprises. Vu ici de profil, Erasme apparaît dans l'attitude, chère à la Renaissance, de l'homme d'étude méditant dans son cabinet de travail. Toute l'attention est attirée sur son visage finement modelé et sur ses mains qui se détachent sur la feuille blanche.
Erasme, âgé de 57 ans, rédige un commentaire sur l'Evangile de saint Jean, difficilement lisible sur le tableau. Les deux mains rapprochées expriment bien la concentration du savant.
La tenture murale est d'esprit oriental avec ses motifs de fleurs et ses animaux stylisés.
Le visage d'Erasme rappelle les représentations de profil des monnaies dans la tradition des médailles antiques.
092. Domenicus Theotocopoulos, Le Greco, 1541-1614
Le Christ en croix adoré par deux donateurs, vers 1585-1590, toile, 2,60 x 1,71
Ce Christ en croix qui provient de l'église des religieuses de l'ordre de saint Jérôme à Tolède a appartenu au roi Louis-Philippe et est l'un des plus anciens exemples d'un sujet traité avec prédilection par Le Greco. Les formes étirées et tourmentées, le ciel d'orage, l'éclairage lunaire contribuent au sentiment d'étrangeté de la scène. La sobriété de la gamme colorée est frappante : gris, bleu, noir et blanc. Les costumes des deux donateurs présentent un parti pris de contraste inversé : vêtement noir, col blanc, pour l'un ; vêtement blanc, col noir pour l'autre.
A gauche, un ecclésiastique en surplis blanc ; à droite, un gentilhomme vêtu de noir. Les deux donateurs sont peut-être les frères Diego et Luis de Castilla, les protecteurs du peintre à Tolède.
L'inscription sur le papier fixé à la partie supérieure de la croix porte en hébreu, en grec et en latin les mots suivants : " Jésus de Nazareth, roi des Juifs ".
Le Christ est représenté vivant comme en pesanteur, les yeux levés vers Dieu le père.
093. Francisco de Zurbaran, 1598-1664
L'Exposition du corps de saint Bonaventure, 1629, toile, 2,45 x 2,20
En 1628/1629, Zurbaran est chargé de compléter un ensemble de tableaux sur la vie de saint Bonaventure, commencé par son aîné Herrera le Vieux, qui avait réalisé quatre toiles sur la jeunesse du saint. Deux des quatre tableaux consacrés par Zurbaran à la maturité de la vie du saint sont aujourd'hui au Louvre. Cette toile illustre le dernier épisode de l'histoire de Bonaventure, l'hommage funèbre rendu au saint franciscain lors du concile de Lyon en 1272.
Le pape Grégoire X et le roi Jaime Ier d'Aragon, reconnaissable l'un à sa tiare, l'autre à sa couronne, paraissent en discussion devant le corps du saint.
Ces quatre têtes montrent la sobriété et la force d'expression de Zurbaran portraitiste qui simplifie les volumes comme s'il s'agissait de sculptures.
Le chapeau de cardinal au pied du saint constitue une note rouge qui met en valeur les couleurs austères du tableau.
Le visage cadavérique du saint contraste de façon saisissante avec le blanc de la mitre et du vêtement.
094. Jusepe de Ribera, 1591-1652
Le Pied-Bot, 1642, toile, 1,64 x 0,93
Ribera représente ici un jeune mendiant, infirme qui souffre d'une difformité du pied, le pied-bot. L'enfant âgé d'une douzaine d'années, campé avec la fierté d'un jeune seigneur, porte sa béquille sur l'épaule à la manière d'un fusil. Cet attrait pour les représentations cruelles de personnages difformes ou presque monstrueux est bien caractéristique du goût des peintres espagnols influencés par le réalisme du Caravage.
L'œuvre est signée et datée par Ribera en bas à droite de la façon suivante : " Jusepe de Ribera espanol f. 1642 ".Bien qu'il peigne à Naples, Ribera revendique ainsi sa nationalité espagnole. Le f. signifie fecit en latin, c'est-à-dire " a fait ".
Ribera a su saisir comme dans un instantané photographique l'expression fugitive de l'enfant : son rire reflète la joie et la fierté.
L'enfant tient un papier sur lequel on peut lire une inscription en latin qui signifie : " Donne-moi l'aumône pour l'amour de Dieu ". Ce qui peut indiquer que l'enfant est non seulement infirme, mais muet.
095. Bartolomé Esteban Murillo, 1618-1682
Le Jeune Mendiant, vers 1650, toile, 1,34 x 1,00
Murillo exécute ici l'une de ses premières scènes de genre, type de tableaux qu'il reprendra et transformera tout au long de sa carrière. Avec son sujet populaire, l'intérêt porté à la lumière, la gamme colorée restreinte, la touche épaisse et riche, cette toile est considérée comme une œuvre capitale du réalisme à Séville. Elle va susciter l'admiration des peintres français du XIXe siècle, Courbet, Manet et Cézanne.
La cruche du premier plan et le panier renversé montrent le soin particulier apporté à l'exécution d'une nature morte dans une scène de genre.
Cet enfant représenté grandeur nature ne demande pas l'aumône comme on le dit traditionnellement. En fait, il est en train de s'épouiller.
Quelques crevettes sur le sol sont les vestiges de son repas.
096. Franscico José Goya y Lucientes, 1746-1828
La Comtesse del Carpio marquise de la Solana (1757-1795), 1793, toile, 1,81 x 1,22
Ce portrait représente Maria Rita Barranechea y Morante, qui épousa le comte del Carpio en 1775. On l'appelle souvent Portrait de la Marquise de la Solana, titre qu'elle a reçu en 1795. Avant de mourir d'une longue maladie, elle commande son portrait à l'artiste pour que sa fille unique conserve son image. Les portraits de femme en pied qui se détachent sur un fond neutre peints par Goya marqueront l'art de peintres français comme Manet.
Le nœud rose du ruban crée un contraste fort dans la gamme colorée de gris, de blanc et de noir et met ainsi en relief le visage tragique et fiévreux de la jeune femme, de santé fragile, déjà marquée par la maladie.
Vêtue du costume national, elle porte la jupe noire et la mantille qui caractérisent le costume populaire espagnol, alors à la mode.
Les délicates chaussures sont particulièrement remarquables : le pied de face paraît acéré comme une lame de couteau.
097. Thomas Gainsborough, 1727-1788
Conversation dans un parc, vers 1746-1747, toile, 0,73 x 0,68
Ce couple de jeunes gens élégants, assis et conversant dans un parc, pourrait représenter Gainsborough lui-même et sa jeune femme, Margaret, l'année de leur mariage. Le tableau est peint au tout début de la carrière de l'artiste, vers 1746, au moment où il est très influencé par la peinture française contemporaine. Le tableau se situe à mi-chemin entre le portrait, la scène de genre et le paysage et se rattache à un genre bien particulier à la peinture anglaise, la "conversation piece", qui met en scène des personnages discutant entre eux dans leur cadre de vie.
Au fond du paysage apparaît une architecture qui symbolise peut-être le temple de l'hymen ; elle est brossée dans une gamme de couleurs claires.
Cette jeune femme, élégamment vêtue de rose, à la mode contemporaine, représente probablement Margaret Burr, alors âgée de 18 ans, la jeune épouse de Gainsborough.
Le jeune homme de trois quarts se tourne vers la jeune femme ; de sa main droite, il semble la présenter au spectateur.
098. Johann Heinrich Füssli, 1741-1825
Lady Macbeth somnambule, 1784, toile, 2,21 x 1,60
Le tableau montre une scène fameuse du Macbeth de Shakespeare pendant laquelle Lady Macbeth, somnambule, brandit un flambeau, les yeux ouverts devant un médecin et une femme à l'arrière plan. La toile violente, hallucinée, avec des poses raides et des mouvements saccadées dans un éclairage étrange presque lunaire est typique de la manière antiréaliste, d'esprit préromantique de Füssli.
Le visage aux yeux exorbités de la somnambule nous place dans le monde du rêve et de l'étrangeté et suscite l'effroi.
Le médecin note les propos de Lady Macbeth qui raconte ses méfaits lorsqu'elle erre dans la nuit, tandis que l'expression effrayée de la servante ajoute au sentiment de malaise du tableau.
La torche dont la flamme s'incline dramatise la scène et intensifie l'expression inquiétante de Lady Macbeth.
099. Sir Joshua Reynolds, 1723-1792
Master Hare, 1788-1789, toile, 0,77 x 0,63
Ce petit garçon âgé de deux ans est le jeune Francis Hare, peint en 1788 par Reynolds à la demande de la tante de l'enfant, Anna Jones. Le titre Master est employé pour désigner familièrement les jeunes garçons de l'aristocratie. Le tableau est vite devenu l'une des œuvres les plus populaires de la peinture anglaise.
L'enfant est vêtu d'une fine chemise de mousseline retenue à la taille par une large ceinture noire.
Le jeune garçon porte les cheveux longs, comme le voulait alors la mode pour les enfants d'un milieu aisé.
Le paysage qui se détache à l'arrière plan, avec ses frondaisons dorée, évoque les œuvres de Titien que Reynolds a pu admiré en Italie
100. Joseph Mallord William Turner, 1775-1851
Paysage avec une rivière et une baie dans le lointain, vers 1845, toile, 0,93 x 1,23
Cette toile acquise par le Louvre en 1967 appartient à un groupe de tableaux peints par Turner à la fin de sa vie. Ces œuvres inachevées, probablement volontairement, sont demeurées dans son atelier jusqu'à sa mort. Elles ont été remises à l'honneur par la critique dans la seconde moitié du XXe siècle qui y a décelé l'annonce de certaines audaces de la peinture informelle contemporaine comme celle du peintre américain Rothko.
Le tableau introduit dans les premiers plans une figure à peine discernable qui semble contempler les lointains.
Malgré la dissolution des formes devenues presqu'évanescentes dans la lumière, l'œuvre traduit les effets de perspective atmosphérique.
101. Jean Malouel , ? - 1415
La Grande Pietà ronde, vers 1400, D. 0,645 m (surface peinte 0,520 m), Huile sur bois
Soutenu par Dieu le Père et la Vierge, le Christ mort est pleuré par saint Jean et les anges.
Dans cette œuvre peinte vers 1400 pour les riches ducs de Bourgogne, l'artiste a cherché à représenter le corps humain et l'expression des sentiments de manière réaliste.
C'est autour de Dijon que s'exerce à cette époque un style franco-flamand : français, par l'influence de l'école de Paris, issue des miniatures gothiques où, dans le personnage du Christ, douceur et apaisement se mêlent à l'élégance du dessin, flamand grâce à l'ampleur des personnages et au caractère pathétique des gestes de saint Jean et des anges.
On reconnaît le caractère franco-flamand de cette peinture à la sincère expression du visage et à la précision des détails d'orfèvrerie de la couronne de l'ange.
L'intensité du regard de la Vierge, expression charnelle des souffrances de la vie contraste avec le visage apaisé du Christ, déjà emporté par l'Esprit.
Le corps, presque contorsionné de saint Jean exprime la douleur et l'émotion qui l'envahissent.
Représentation magistrale du créateur, le regard puissant de Dieu le Père semble envoyer vers son fils la colombe du Saint-Esprit.
Le resserrement des personnages autour du Christ, la convergence des regards de Dieu le Père et de la Vierge et l'expression de son visage soulignent l'intensité dramatique du tableau.
Le corps meurtri du Christ est mis en évidence par le contraste entre le ton clair de sa chair et les couleurs sombres des habits de la Vierge et de Dieu le père.
Le corps du Christ forme un arc, repris par la courbe constituée des anges, rythmant ainsi avec élégance la composition du tableau.
102. Camille Corot , 1796 -1875
La Femme à la perle, 1860, H. 0,70 m ; L. 0,55 m, Huile sur toile
Les historiens s'attachent à voir dans ce tableau une figure idéale proche de l'allégorie plutôt qu'un portrait.
Ce point de vue s'appuie sur l'analyse de l'attitude de la jeune femme et de son habit.
La pose du modèle est inspirée de tableaux de la Renaissance, comme la Joconde de Léonard de Vinci, ou La Belle Ferronnière de Raphaël.
Corot avait l'habitude de se procurer des costumes régionaux d'Italie pour habiller ces modèles. Il composait ainsi un type de beauté en dehors des critères de la mode de l'époque et de tout contexte historique, tout en conservant une modernité à son sujet.
La couronne de feuilles et la perle métamorphosent ce jeune modèle anonyme en une figure allégorique de nymphe ou de muse.
La position des bras de la jeune femme évoque la Joconde, et l'on perçoit ce "sfumato" qui modèle avec douceur les reliefs charnels.
103. Louis David , 1748 - 1825
Madame Récamier, 1800 , H. 1,74 m ; L. 2,44 m, Huile sur toile
A demi étendue sur une méridienne, Madame Récamier se retourne et fixe le spectateur d'un regard lointain, presque indifférent. L'expression absente de la jeune femme accuse la distance que David met entre son chevalet et son modèle. L'espace apparaît nettement autour d'elle, les murs se distinguent du sol, le mobilier projette de fortes ombres. L'œuvre se révèle d'un dépouillement extrême et laisse percer l'élégance du modèle. De ce portrait inachevé naît une image, une vision de la beauté féminine bien plus que la représentation d'une femme dans son individualité.
La méridienne est inspirée d'un modèle romain que David a copié lors de voyages en Italie.
Le candélabre longiligne aurait été peint par Ingres, alors élève du maître, à partir d'un des nombreux exemplaires retrouvés dans les sites d'Herculanum et de Pompéi.
La posture de la jeune femme est analogue à celle des statues gréco-romaines qu'étudiait David
La coiffure et la tunique s'inspirent, elles aussi, de l'antique.
104. Eugène Delacroix , 1798 - 1863
Femmes d'Alger dans leur appartement, 1834, H. 1,80 m ; L. 2,29 m , Huile sur toile
Femmes d'Alger dans leur appartement est la première grande œuvre de Delacroix inspirée par son voyage au Maroc. Elle marque le début de l'influence de l'Orient sur son œuvre qui perdure jusqu'à la mort de l'artiste en 1863.
Delacroix pénètre ici dans l'intimité d'une maison d'Alger comme il eut l'occasion de le faire lors de son séjour en 1832.
Delacroix juxtapose souvent, pour mieux les mettre en valeur, une couleur primaire à sa complémentaire (faite des deux autres couleurs primaires : ici, le bleu et le orange).
Peintre de la couleur, Delacroix n'en est pas moins un remarquable dessinateur comme le montre cette main au tracé précis.
Afin de donner une image véridique et convaincante de l'Orient, il recopie avec précision les objets qu'il ramena de ses voyages.
105. Théodore Géricault , 1791 - 1824
La Folle monomane du jeu, 1819-1824, H. 0,770 m ; L. 0,645 m, Huile sur toile
La monomanie désigne une folie qui se fixe sur un thème ou un point. Le terme fut inventé par Esquirol, thérapeute et réformateur de l'asile, exerçant à la Salpêtrière.
Frappé par le traitement qui était réservé aux fous, Géricault plaide en faveur des malades, qu'il représente comme des victimes.
Cette femme, voûtée par le poids de sa folie, relève la tête telle une condamnée qui ne peut se défendre. Ne l'aidant plus à communiquer, ses cinq sens l'ont abandonné à sa solitude, l'enfermant dans sa détresse. Dans cette silencieuse communion du regard, cette étonnante simplicité, cette insoutenable vérité, Géricault nous livre l'image noire d'une vision spécifique du monde.
Signe de sa folie, le regard oblique de cette femme, aux yeux orientés dans différentes directions, manifeste l'idée fixe et le désordre de la pensée qui atteint le monomane.
Le dialogue et la féminité semblent avoir déserté à tout jamais cette bouche, entrouverte, légèrement crispée et de travers.
Par quelques taches jaunes reflétant la lumière, Géricault accroche la vie au visage et l'extrait de son fond noir.
Tout comme le bonnet blanc, l'écharpe permet de mieux cerner le visage et le dégager du fond noir.
106. Antoine-Jean Gros , 1771 - 1835
Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa (11 mars 1799), 1804, H. 5,23 m ; L. 7,15 m, Huile sur toile
Le 11 mars 1799, Bonaparte, alors en Syrie, visite ses troupes atteintes de la peste. En 1804, il demande à Gros d'immortaliser cet épisode de la campagne d'Égypte.
L'artiste utilise les couleurs et la lumière de l'Orient pour une glorification du commanditaire. Tout se concentre autour de la personne du général. Les foulards, les turbans et les autres vêtements rouges, placés autour de lui, rappellent son uniforme très soigneusement dessiné. La lumière qui tombe directement sur lui, tous les yeux qui le regardent, l'attitude révulsée de l'aide de camp, le malade accroupi qui tente, en vain, de se relever, exaltent son geste courageux et compatissant.
Le geste de toucher les blessures d'un pestiféré évoque l'image du Christ guérisseur.
Le chirurgien Masclet, ami de Gros, lui aussi atteint de la peste, s'évanouit en voulant aider un mourant.
107. Jean-Auguste-Dominique Ingres , 1780 - 1867
La Baigneuse, dite Baigneuse Valpinçon, 1808, H. 1,460 m ; L. 0,975 m, Huile sur toile
Ingres peint La Baigneuse " Valpinçon ", du nom du collectionneur qui posséda ce tableau longtemps, alors qu'il est pensionnaire à la villa Medicis à Rome.
La vue de dos, pose originale, offre au peintre une large surface où il traite avec subtilité un dégradé de lumière suivant des courbes souples et élancées.
Le visage ombré, au profil perdu participe au charme d'un sensuel mystère entourant ce modèle anonyme. Son turban noué rappelle le goût de l'époque pour l'orientalisme.
Discrète référence au thème, la présence de la fontaine justifie la suave moiteur donnée par les coloris vert amande.
Les subtiles effets de matière de ces draps froissés donnent une sensualité presque érotique au corps pudique, mais dévêtu, qui repose dessus.
108. Corneille de Lyon, vers 1500 - vers1575
Pierre Aymeric, 1534, H. 0,165 m ; L. 0,140 m, Huile sur bois
Grâce à une inscription de la main du modèle, au revers du tableau, on sait que ce portrait est celui de Pierre Aymeric, peint à Lyon en 1534.
Ce jeune marchand de Saint Flour, âgé comme l'artiste d'environ 25 ans deviendra vingt ans plus tard, consul de la Ville de Lyon. Caractéristique de la production de l'artiste, ce tout petit tableau sur bois, large de 16 cm est comme un portrait d'identité intime, facile à transporter.
Selon une habitude du peintre, le modèle est placé sur un fond vert sombre. Par la minutie de l'exécution, l'artiste à su traduire, avec subtilité, l'état psychologique de ce brillant jeune homme, enclin à une triste mélancolie.
L'ellipse formée par le béret, incliné dans la direction du regard, en accentue la profondeur.
Le soin et la qualité apportés à l'exécution de ce portrait, d'une minutie proche de l'enluminure, a permis à l'œuvre de conserver son éclat à travers les siècles.
La main, conventionnellement plaquée sur la poitrine, ne semble pas trouver d'écho à la psychologie du personnage.
109. Georges de La Tour , 1593 - 1652
La Madeleine à la veilleuse, vers 1640-1645, H. 1,28 m ; L. 0,94 m, Huile sur toile
Dans l'isolement de la nuit, se détache la silhouette de Marie-Madeleine. Elle est seule et médite à la lueur d'une lampe à huile. Cette œuvre fait écho aux débats sur la rémission des péchés qui traversent l'Eglise de la contre-réforme. La Tour choisit de représenter une jeune femme qui hésite peut-être à rompre avec son ancienne vie et qui n'a pas encore choisi sa condition de pénitente. Le tableau fascine par sa gravité silencieuse. Rien ne perturbe le recueillement de Madeleine : la composition est dépouillée, le peintre limite sa palette aux tonalités sourdes et chaudes des rouges, des ocres et des bruns. Les formes individuelles sont réduites à des volumes géométriques.
Les vêtements de la sainte sont taillés dans un drap grossier, une corde lui ceint la taille.
Ses longs cheveux sont dénoués comme le veut la tradition qui identifie Madeleine à la femme qui, avec sa chevelure, enduit de parfum les pieds du Christ
La main gauche repose sur un crâne. Il rappelle que la mort guette tout humain et nul n'en connaît l'heure.
Sur la table apparaît d'autres attributs de Madeleine et de sa pénitence : un crucifix, un coffret sur lequel repose un livre et un fouet.
110. Louis (ou Antoine ?) Le Nain , vers 1600/1610 - 1648
La Forge ou Un Maréchal dans sa forge, vers 1640, H. 0,69 m ; L. 0,57 m, Huile sur toile
Echappant à toute caricature ou complaisance dans l'observation de la vie quotidienne, l'artiste s'immisce dans l'intimité laborieuse de ses modèles avec une compassion telle que cette scène de genre prend la dimension spirituelle d'une peinture religieuse.
Aucun détail pittoresque ou anecdotique ne vient encombrer la dignité de ces personnages aux gestes simples, aux regards intenses ou rêveurs.
La juste perception de la lumière artificielle venant de la forge donne aux personnages une intensité émotionnelle, tout en trahissant l'influence du Caravage sur la peinture de Louis Le Nain.
Accentués par le contraste des ombres et des lumières, le silence et la douceur qui se dégagent de l'expression grave du visage de cette femme participent au caractère religieux de la scène.
Comme chacun des personnages, le forgeron est pris dans une rêverie solitaire qui n'est pas sans rappeler certains tableaux de Vermeer.
Malgré l'authenticité de l'expression de son visage, l'attitude du buveur semble suspendue dans le temps.
Les touches larges, spontanées, généreuses en couleurs et en matière traduisent sous le pinceau de Louis Le Nain à la fois la maîtrise et la liberté de peindre.
111. Nicolas Poussin, 1594 -1665
Éliézer et Rébecca, 1648, H. 1,18 m ; L. 1,99 m, Huile sur toile
Peint en 1648 pour l'amateur d'art Pointel, l'œuvre fut acquise par Louis XIV. Le thème illustre un épisode de la Bible, extrait de la Genèse. Parmi les femmes à la fontaine, Eliezer doit reconnaître en celle qui lui donnera à boire, la femme désignée par Dieu pour devenir l'épouse de son maître, Isaac.
Préfiguration du thème de l'Annonciation, cet épisode est aussi prétexte à étudier les réactions humaines face à l'état de grâce, réflexion majeure dans la vie spirituelle au XVIIe siècle.
Imprégné de culture classique et Italienne, l'artiste revêt les femmes du peplos grec et retient cet instant idyllique dans la douceur d'un couché de soleil méridional.
Sur la droite, l'attitude des femmes, semblables à des vestales grecques ou des frises en bas-relief, rappelle l'admiration de Poussin pour l'art antique.
L'équilibre triangulaire de cet échange de gestes crée un rythme continu dans l'activité de ces femmes.
L'action de ces femmes est soulignée par le mouvement des drapés et le jeu des regards, mais aussi par la variété et l'étroite juxtaposition de leurs attitudes.
Comme l'ange de l'Annonciation, Eliezer désigne Rebecca. Comme la Vierge de l'Annonciation, le geste de Rebecca indique qu'elle accepte son destin pour le salut de l'humanité.
112. Jean-Baptiste Greuze , 1725 - 1805
Le Fils puni, 1778, H. 1,30 m ; L. 1,63 m, Huile sur toile
Le Fils ingrat et son pendant Le Fils puni présentent deux moments d'une même histoire. Ces deux tableaux sont sans doute les plus dramatiques de l'œuvre de Greuze. Dans le premier, le fils ingrat s'enrôle dans l'armée contre l'avis de ses parents, et son père le maudit. Le second tableau, Le Fils puni, nous conte l'épilogue. Quelques années plus tard, devenu invalide, le fils rentre au foyer. Il découvre que son père vient de mourir et qu'il ne pourra jamais obtenir son pardon. La forme narrative et dramatique privilégie ostensiblement le vérisme des physionomies, des costumes et du milieu. Les mouvements opposés de la lumière et des personnages mettent en relief les réactions émotionnelles de chaque membre de la famille.
A gauche, la chaufferette en cuivre, le plat, la cuillère et le flacon évoquent la maladie du père.
A droite, la béquille tombée à terre fait allusion à l'infirmité du fils.
Le chien apporte une touche de réalisme familier : ignorant le drame, il reconnaît le fils et rappelle qu'il fait partie de la famille.
L'attitude et l'expression de chacun des personnages autour du défunt révèlent le moment dramatique.
113. Cenni di Pepo dit Cimabue, vers1240 - après 1302
La Vierge et l'Enfant en majesté entourés de six anges, vers 1270 -après 1302, H. 4,27 m ; L. 2,80 m, Bois
Ce retable était destiné à l'église San Francesco de Pise. Cimabue emprunte à l'iconographie byzantine le thème de la Vierge de Majesté, en italien Maestà. Le graphisme rigide de ce modèle est assoupli par une légère modulation des volumes dans les draperies. Le peintre combine plusieurs modes de représentation de l'espace : si le fond d'or place la Vierge hors du temps et de l'espace, la superposition des anges et la perspective appliquée au trône introduit une troisième dimension. Cette profondeur donne une matérialité qui ancre la scène dans le réel. Il traduit plastiquement la fonction de médiation de la Vierge : Marie devient le trait d'union entre le trône et le fond d'or, entre l'humain et le divin.
La disposition des anges et leur représentation de part et d'autre du trône repose sur une construction parfaitement symétrique. Leur visage et plus encore les couleurs de leurs ailes se répondent dans un strict effet de miroir.
Le Christ est le seul acteur de la scène dont le visage est nettement individualisé. C'est d'ailleurs celui d'un jeune homme, et non d'un enfant
Les traits de la Vierge et des personnages secondaires semblent être des variations à partir d'un modèle unique.
114. Cosme Tura, Connu de 1431 à 1495
La Pietà, vers 1480, H. 1,32 m ; L. 2,68 m , Bois
Cette Pietà de Cosme Tura, chef de file de l'école ferraraise du XVe siècle, constituait à l'origine la lunette supérieure du retable commandé par la famille Roverella pour le couvent de l'église San Giorgio de Ferrare. Impressionné par la monumentalité de Donatello et de Mantegna, côtoyant les œuvres de Piero della Francesca et de Rogier van der Weyden qui séjournèrent dans l'important foyer culturel de Ferrare, Tura opère rapidement une synthèse originale de ces tendances opposées. La Pietà du Louvre parvient à allier la puissance plastique des artistes florentins aux raffinements du style gothique tardif. Ici, la crispation des visages et la variété dans le mouvement des mains confèrent à cette pietà un pathétisme exacerbé.
Sur cet ange de gauche, le travail du drapé est d'une précision étonnante. Le trait de Tura, qui semble gravé sur la surface, dessine sur l'étoffe rouge des entrelacs de broderies.
Une même crispation déforme les figures et gagne petit à petit toutes les parties du corps.
L'anatomie du Christ est observée dans les moindres contractures de ses muscles. Afin d'appuyer la présence du Christ, Cosme Tura allonge son corps et étire ses bras jusqu'aux extrémités du panneau.
115. Antonio Allegri dit Le Corrège, 1489 - 1534
Le Mariage mystique de sainte Catherine d'Alexandrie avec saint Sébastien ; dans le paysage, représentation des martyres de deux saints, vers 1526-1527, H. 1,05 m ; L. 1,02 m, Bois
Thème souvent traité par Corrège, Le Mariage mystique de sainte Catherine, frappe par le fin modelé des figures et la douceur des visages. L'Enfant Jésus, porté dans les bras de la Vierge, choisit sainte Catherine pour fiancée et s'apprête à lui passer au doigt l'anneau de leur union. Corrège, qui opère une synthèse entre les apports des grands maîtres florentins et vénitiens, développe une peinture suave et tendre. Ses figures sans pesanteur et ses compositions dynamiques serviront de modèle aux artistes baroques.
Au-delà du premier plan consacré à la scène biblique, Corrège déploie un paysage fondu, où sont représentés les épisodes du martyre des deux saints.
A gauche, les soldats romains envoient des flèches sur le corps de saint Sébastien.
A droite, un chevalier semble percer de son épée sainte Catherine, implorante et agenouillée.
Saint Sébastien est représenté sur le premier plan avec des flèches dans la main gauche. Celles-ci suivent la limite verticale du cadre.
Le fourreau d'une épée apparaît dans les plis de la robe de sainte Catherine. Il s'agit vraisemblablement du souvenir de son martyre, relaté à l'arrière-plan.
116. Leonardo di ser Piero da Vinci, 1452 - 1519
La Vierge, l'Enfant Jésus, saint Jean-Baptiste et un ange, dite La Vierge aux rochers, 1483
1486, H. 1,99 m ; L. 1,22 m, Toile cintrée
La Vierge aux rochers, peinte par Vinci lors de son séjour à la cour des Sforza, était destinée à l'église San Francisco Grande de Milan. Par suite de litiges avec les commanditaires, une seconde version fut réalisée, actuellement conservée à la National Gallery de Londres. Dans la Vierge aux rochers du Louvre, les personnages émergent de la pénombre de la grotte, baignés dans une atmosphère chargée d'humidité qui brouille les formes. L'emploi du sfumato, léger halo dissolvant les contours, est particulièrement subtil et doux dans cette version, et plonge la scène dans un milieu ambiant fluide et mystérieux.
La Vierge aux rochers contient le plus grand nombre de plantes connues dans une œuvre de Léonard de Vinci. Fondus dans la pénombre de la grotte, les végétaux sont simplement suggérés par des rehauts de lumière.
Au premier plan, un cours d'eau glisse le long des rochers, faisant allusion au baptême.
Les rochers derrière l'archange dessinent comme des ailes. Cet élément souligne la force de suggestion de la peinture de Léonard et sa volonté de fusionner les personnages à leur environnement.
Les mains, chez Léonard de Vinci, sont d'une grande beauté. Sur le groupe de la Vierge aux rochers, elles expriment des attitudes variées : de protection, de bénédiction, d'indication et de supplication.
117. Giovanni Bellini , Connu de1459 à 1516
Le Christ bénissant, vers 1460, H. 0,328 m ; L. 0,255 m, Huile sur bois
D'où vient la force extraordinaire du Christ bénissant de Bellini ? De son expression profondément humaine, sans doute. De sa monumentalité surplombant le paysage alentour, aussi. Mais surtout de sa présence immédiate et simple, ne faisant référence à aucun épisode biblique particulier.
Le tableau de Bellini n'est pas narratif ; il représente le Christ bénissant, couronné d'épines, portant les stigmates aux mains et sur la poitrine, et tenant un volume qui renferme certainement les Ecritures. Sa présence, humaine et poignante, domine le paysage et le ciel crépusculaire du fond. Dans ce tableau, Bellini annonce les recherches vénitiennes du XVIe siècle.
Le paysage de l'arrière-plan est représenté en vue panoramique. Son incurvation souligne cette vision, en même temps qu'elle dégage le Christ du fond.
Le ciel occupe une grande surface. Ses couleurs crépusculaires soulignent la présence mystique du Christ, qui semble planer dans les airs.
118. Alessandro Filipepi dit Botticelli, vers 1445 - id. 1510
Portrait de Jeune Homme, 1477, H. 0,570 m ; L. 0,398 m, Bois
Botticelli a souvent peint des portraits, notamment pour Julien de Médicis. Dans cette œuvre, comme dans les autres, l'élégance de la ligne s'exprime avec éclat. Toutefois, ce Portrait de jeune homme présente un problème d'attribution. Si certains y reconnaissent la finesse du dessin de Botticelli, beaucoup pensent que l'exécution finale revient à Filippino. Prenant place sur toute la largeur du format, le jeune homme, vêtu et coiffé de noir, est tourné de trois-quarts vers le spectateur. L'existence d'un cadre dans le cadre accentue sa présence et confère à la toile une organisation spatiale originale.
Le cadre, représenté autour du jeune homme, se retrouve dans plusieurs autres portraits. Les visages sont souvent vus sur un fond de paysage ou dans un intérieur, dont seules quelques lignes architecturales sont représentées.
Les cheveux longs et les traits du visage de ce jeune homme caractérisent plusieurs autres portraits de Botticelli. Cette coiffure semble dériver d'une mode en vogue en Italie.
119. Jacopo Robusti dit Le Tintoret , 1518 -1594
Suzanne au bain, vers 1550, H. 1,67 m ; L. 2,38 m, Huile sur toile
Le sujet biblique de Suzanne au bain est le prétexte qu'utilise Tintoret pour représenter un magnifique nu, découpé sur un jardin édénique peuplé d'animaux sauvages et de plantes luxuriantes. Le moment choisi dans l'histoire n'est pas celui de la confrontation des vieillards avec la jeune beauté, mais celui où Suzanne, attentive à sa toilette, ignore encore les intentions perverses des deux juges. En véritable scénographe de l'image, Tintoret plante son décor et ses personnages. Par une organisation spatiale prodigieuse et des effets d'éclairage ponctuels, il fait resurgir le contraste entre la sérénité de Suzanne et l'avidité obscène des vieillards.
Le soin que Suzanne porte à sa toilette est souligné par de nombreux détails le miroir rehaussé d'une spirale de gouttelettes lumineuses, le collier de perles, et la bague qui se distinguent à ses pieds.
Les servantes s'affairent autour d'elle : celle de gauche tient un peigne et brosse les cheveux de Suzanne dans un mouvement que la tresse souligne.
La jeune fille de droite tient un coupe-ongles dans ses mains.
Juste esquissés par des rehauts lumineux, des animaux se révèlent au regard : grenouilles, poisson, et lapin au premier plan, fondus dans les hautes herbes.
120. Vannucci dit Il Perugino, , vers 1448 - 1523
Apollon et Marsyas, vers 1495, H. 0,39 m ; L. 0,29 m, Bois
Le Pérugin s'est surtout illustré dans les œuvres religieuses. Le sujet mythologique d'Apollon et Marsyas révèle pourtant avec éclat le style du maître de Raphaël. Les personnages, aux silhouettes graciles et fines, se profilent sur un paysage détaillé et lumineux. Marqué par les grands espaces d'Ombrie, Pérugin attache une grande importance au paysage.
La lyre a une position importante dans la composition. Instrument noble attribué à Apollon, elle est déposée contre un tronc d'arbre, entre les deux personnages.
La flûte du satyre Marsyas est celle que Minerve jeta avec dépit après qu'on s'est moqué de ses joues gonflées par l'instrument.
Les fines silhouettes des arbres et l'atmosphère aérienne et sereine du paysage sont caractéristiques du style du Pérugin. Son élève, Raphaël, sera marqué par ce traitement doux et poétique du paysage.
121. Tiziano Vecellio, dit Le Titien, vers 1488/1489 - 1576
La Jeune Fille au miroir, vers 1512-1515, H. 0,93 m ; L. 0,76 m, Huile sur toile
Thème de la Vanité et de la fuite irréversible du temps ou célébration de la beauté féminine, La jeune fille au miroir du Titien apparaît nimbée de mystère. Autour d'elle s'organisent des détails à la signification double : un petit miroir rectangulaire à droite, un miroir convexe renvoyant un reflet éclatant à gauche et un homme en retrait, tapi dans l'ombre. Vision de l'amour assombrie par la crainte du temps, scène de genre érotique, libre expression de l'idéal féminin, cette première version de La jeune fille au miroir rassemble toutes les qualités de lumière, de composition et de dessin des œuvres de maturité du Titien.
Le visage de ce personnage féminin rappelle celui de Flora, archétype de la beauté féminine pour Titien.
La jeune femme tient dans sa main gauche un flacon de parfum, dont elle s'apprête à verser quelques gouttes sur son corps en partie dénudé.
Au milieu du miroir circulaire est peint un reflet scintillant. Tache lumineuse qui vient rythmer la composition, ce reflet est peut-être aussi un symbole de l'illusion des apparences.
Les lumières rouges sur le visage de l'homme, reprenant les couleurs de son costume, contribuent à fondre le personnage dans l'ombre.
122. Tiziano Vecellio dit Le Titien, vers 1488/1489 - 1576
La Mise au Tombeau, vers 1525, H. 1,48 m ; L. 2,12 m, Huile sur toile
Baignée dans une lumière chaude rappelant Le Concert champêtre du Louvre, cette mise au tombeau, datée vers 1525, est une des premières œuvres religieuses du Titien à aborder le thème de la souffrance et de la mort. Par la force de sa construction et la puissance émotionnelle qui se dégage à la fois des visages des personnages entourant du Christ et de celui-ci, Titien donne à la scène un accent dramatique intense. Si la rigueur classique de la composition s'inspire d'un tableau de Raphaël de 1507, conservé à la Galerie Borghèse de Rome, la distribution des couleurs, la qualité atmosphérique et l'expressivité du clair-obscur, soulignent l'apport personnel du maître vénitien.
Dans l'ombre ténébreuse du sépulcre, déposée contre la pierre, se profile la couronne d'épines, symbole de la passion du Christ
Accentuant la puissance expressive, une ombre intense absorbe le visage du Christ.
Joseph d'Arimathie, personnage barbu soutenant le Christ, a souvent été reconnu comme un autoportrait du Titien. Sa carnation et sa robustesse contrastent violemment avec le corps du Christ.
Le visage de saint Jean rappelle étrangement le berger assis aux cheveux roux du Concert champêtre. Son regard semble attiré par la tristesse de la Vierge Marie et de Madeleine.
123. Santi ou Sanzio dit Raphaël, 1483 -1520
Saint Georges luttant avec le dragon, vers 1505, H. 0,295 m ; L. 0,255 m, Bois
Le Saint Georges luttant avec le dragon serait, avec le petit Saint Michel, une commande de la cour d'Urbin à Raphaël. Mais ces deux tableaux, longtemps présentés en diptyque, offrent des différences de style. Dans le petit panneau du Saint Georges, Raphaël parvient à une synthèse originale de plusieurs influences. Alors que le paysage évoque le style du Pérugin, la fougue de saint Georges et du cheval dénotent l'influence de l'antique et de celle de son contemporain Léonard de Vinci. Parfaitement assimilées, ces différentes leçons donnent lieu à une composition équilibrée et exaltée, exprimant la Victoire du Bien sur le Mal.
Les arbres grêles du paysage, se découpant devant un plan de montagne, sont d'inspiration péruginesque. Ils annoncent la disposition du paysage dans la Belle Jardinière du Louvre.
Le cheval cabré et hennissant est un motif récurrent des sarcophages antiques. La référence à l'Antiquité est fréquente à la Renaissance et peut avoir inspiré à Raphaël le modèle de ce cheval. Sa fougue et son mouvement évoquent aussi certains dessins agités de Léonard.
La jeune fille du fond représente la fille du roi, vouée à être sacrifiée pour protéger le royaume du dragon. Saint Georges, malgré les exhortations de la princesse à fuir, se bat et terrasse le dragon.
125. Paolo Caliari dit Véronèse, 1528 - 1588
Dame vénitienne, dite La Belle Nani, vers 1560, H. 1,19 m ; L. 1,03 m, Huile sur toile
Une jeune femme blonde se détache sur un fond sombre et uni, dans un lieu indéterminé. Tout au plus reconnaît-on à sa gauche une table recouverte d'un tapis turc alors en vogue dans la Venise du XVIe siècle. L'identité exacte du modèle n'est pas établie avec certitude. Une tradition, qui fixa le sous-titre actuel, voulait que le tableau fut conservé à Venise au palais Nani. Mais la critique moderne pense que cette femme serait Giustiniana Guistiniani, épouse d'un des commanditaires de Véronèse. La facture de cette œuvre témoigne de l'ascendance qu'exerçait le Titien dans l'art du portrait. Paolo Veronèse reprend la formule d'un personnage montré de trois-quarts et à mi-corps contre un fond neutre.
Le costume somptueux que porte la jeune femme contraste avec la délicatesse de sa peau.
La belle porte au ras du cou un collier de grosses perles, parure très prisée des dames de la haute société du XVIe siècle.
La robe de velours bleu à large décolleté carré est ornée de cabochons en or de style maniériste.
La jeune femme pose sa main droite sur le cœur, geste de modestie vertueuse.
126. Leonardo di ser Piero da Vinci - Léonard de Vinci, 1452 - 1519
Portrait d'une dame à la cour de Milan, dit jadis La Belle Ferronière, vers 1495-1500, H. 0,63 m ; L. 0,45 m, Bois
Ce portrait de Léonard de Vinci représente une Dame de la cour de Milan, autrefois appelé la Belle Ferronnière en raison du ruban orné de pierreries qui encercle son front. Parmi toutes les identifications proposées pour ce modèle, le nom de Béatrice d'Este semble le plus vraisemblable. Son visage, en pleine lumière, se découpe sur un fond noir uni. Malgré la finesse de ses traits, l'éclairage, plus violent que dans les autres tableaux de Vinci, accentue le contraste des formes.
La coiffure que porte le modèle, avec ses cheveux plaqués en bandeau contre le visage et retenus en arrière par un bonnet, est caractéristique de la mode alors en vogue en Lombardie.
Le rang de cette dame de la cour est souligné par sa parure : une belle robe ornée de rubans, la ferronnière à son front et le collier qui pend à son cou.
127. Michelangelo Merisi dit Le Caravage, vers 1571 - 610
La Mort de la Vierge, vers1605/1606, H. 3,69 m ; L. 2,45 m , Huile sur toile
Dans le recueillement de la pénombre, les Apôtres sont rassemblés autour du corps inanimé de la Vierge. Elle a pris les traits d'une simple femme frappée par la déchéance de la mort physique. Caravage rejette toute stylisation : c'est des apparences physiques et du comportements appartenant à l'univers quotidien qu'émanent l'affliction et l'émotion. Destiné à une chapelle particulière de l'église Santa Maria della Scala de Rome, le clergé refusa le tableau car la Vierge ne pouvait être représentée en courtisane ou " quelque autre fille du peuple ". Le commanditaire revendit l'œuvre peu après.
Marie-Madeleine est, parmi les personnages secondaires, l'unique figure que l'on peut identifier avec certitude grâce à ses cheveux dénoués.
La dimension surnaturelle n'est pas tout à fait absente : le lit sur lequel Marie est étendue a presque disparu, la défunte paraît alors flotter dans l'espace du tableau.
Les détracteurs du peintre ne pouvaient admettre que la Vierge soit figurée avec si peu de dignité, le corps enflé et les pieds découverts.
128. Il Pontormo, Jacopo Carrucci dit Il Pontormo, 1494 -1556
La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne et quatre saints (Sébastien, Pierre, Benoît et le bon larron), avant 1529, H. 2,28 m ; L. 1,76 m, Bois
La toile fut peinte avant 1529 pour les religieuses du couvent Sant'Anna in Verzaia à Florence.
Dans l'ombre de la Vierge et de son enfant, se tient sainte Anne, sa mère. Autour de ce groupe central sont placés, à gauche : saint Pierre et saint Sébastien, à droite : saint Benoît et le bon larron.
L'attitude contorsionnée de la Vierge, les couleurs décolorées de son habit tout comme son geste affecté qui retient avec mollesse l'élan de son jeune enfant est typique de l'art de Pontormo.
Ce médaillon représente la procession solennelle de la Seigneurie de Florence au couvent Sant'Anna in Verzaia en commémoration de l'expulsion du duc d'Athènes le 26 juillet 1343.
Préfiguration des souffrance à venir, le regard attendri de la Vierge s'oppose à la torsion de son corps. L'Enfant Jésus, debout et arc-bouté, semble déjà se livrer pour la rédemption de l'Humanité.
Le teint gris, le regard anxieux, sainte Anne semble le seul personnage de la scène à deviner le destin tragique qui va se jouer.
On reconnaît saint Pierre aux clés du Paradis qu'il tient dans sa main, mise en relief au premier plan par le très bel éclairage sculptant son drapé.
Tourné vers l'extérieur, le visage rassurant de ce vieil homme invite le spectateur à participer à la présentation de l'Enfant, qu'il indique du doigt.
129. Francisco José de Goya y Lucientes, 1746 - 1828
Ferdinand Guillemardet, 1798, H. 1,86 m ; L. 1,24 m, Huile sur toile
L'activité de Goya, portraitiste de personnages de la haute société, est illustrée au Louvre par deux toiles importantes, les portraits de la Marquise de Solana et celui de Ferdinand Guillemardet. Ferdinand Guillemardet, ambassadeur de France à Madrid de 1798 à 1800, est assis nonchalamment près d'une table. Une attention particulière est portée aux couleurs tricolores de ses attributs. Elles éclatent sur un fond neutre et équilibrent la diagonale passant par le genou et la tête de l'ambassadeur.
L'encrier posé sur la table est accompagné de feuilles blanches, que le peintre esquisse par quelques coups de pinceau spontanés.
Sur la ceinture tricolore de Ferdinand Guillemardet, le pinceau de Goya glisse et dépose des touches dorées, qui filent le long de la frange du tissu.
130. Domenikos Theotokopoulos dit Le Greco, 1541 -1614
Saint Louis, roi de France et un page, vers 1586, H. 1,20 m ; L. 0,965 m, Huile sur toile
Saint Louis, roi de France, et un page est exécuté par Le Greco à l'époque de son premier grand chef-d'œuvre, l'Enterrement du comte d'Orgaz, c'est-à-dire vers 1586. Le caractère de piété des portraits de saint Louis est alors très répandu en Tolède. La figure du page, peut-être un portrait de Jorge Manuel, le fils du peintre, se retrouve dans l'angle inférieur gauche du célèbre tableau du Louvre. Louis IX, fils canonisé de Blanche de Castille, est représenté sous les traits d'un souverain contemporain. Son armure noire et or, ainsi que le vêtement du jeune garçon en témoignent. Seule la haute couronne d'or, incrustée d'une fleur de lis, évoque l'époque médiévale.
Sur une grande ligne à gauche est représentée la main de justice, symbole du pouvoir divin du souverain sur terre.
Sur une ligne parallèle, Le Greco représente la forme élancée d'un sceptre, couronné d'une fleur de lis. Avec la fleur de lis de la couronne, le sceptre est un des rares éléments qui permet d'identifier le personnage comme un souverain français.
Le drapé rouge orangé entourant l'armure de Saint Louis est caractéristique du style du Greco. Des effets cassants de lumière et de couleur, ainsi que des lignes mouvementées et brisées, animent les plis froissés de l'étoffe.
131. Jaime Huguet, vers1415 - 1492
La Flagellation du Christ, vers1450-1455, H. 0,92 m ; L. 1,56 m, Bois
Jaime Huguet, artiste catalan du XVe siècle, a réalisé la Flagellation du Christ pour la corporation des cordonniers. Proche des expériences qui se font jour dans le bassin méditerranéen, il opère une synthèse originale entre les recherches spatiales des peintres toscans et le réalisme expressif des peintres nordiques. Ancien devant d'autel, ce panneau, qui était protégé par des volets en bois, provient de la Chapelle Saint-Marc de la cathédrale de Barcelone. Son exceptionnel état de conservation permet d'apprécier la richesse du rendu des détails.
Deux anges au pied du Christ portent des bassines. Ils recueillent le sang du Christ, évoquant le mystère de l'Eucharistie.
Sur le personnage de Pilate se déploie un rendu très varié de détails et de matières. Le faste de son manteau oriental est traité avec une minutie extrême.
La tiare est couverte de pierres précieuses.
Des armoiries ornent le trône dont l'accoudoir est sculpté en forme d'animal.
L'emblème de la corporation des cordonniers, le brodequin, est sculpté sur le cadre.
Autour du brodequin, on retrouve les symboles des quatre évangélistes : l'ange pour Matthieu, le bœuf ailé pour Luc, le lion pour Marc, l'aigle pour Jean.
132. Diego Rodriguez de Silva y Velázquez, attribué à, 1599 - 1660
Portrait de l'infante Marie Marguerite, vers 1654, H. 0,70 m ; L. 0,58 m, Huile sur toile
Velasquez est nommé peintre du roi Philippe IV en 1623. Après une période marquée par l'emploi d'un violent clair-obscur, Velasquez voyage en Italie et trouve une harmonie chromatique plus délicate, qui s'exprime librement dans ses portraits de cour. Le portrait de l'infante Marguerite-Marie représente la première fille de Philippe IV et de Marianne d'Autriche, à l'âge de trois ans. Dans l'harmonie vibrante de sa robe de cour en satin blanc ornée de dentelles noires, sont déposées des taches colorées sur les nœuds de ruban rose. Ces touches juxtaposées, brossées rapidement et produisant leur effet à distance, marqueront la génération des impressionnistes.
La chaise sur laquelle le bras de l'infante repose est un repère d'échelle. Il souligne la petite taille de cette infante, âgée de 3 ans seulement quand Velasquez réalise ce portrait.
Les splendides costumes royaux sont pour Velasquez l'occasion de faire miroiter les étoffes par un jeu de taches irisées. Cette touche légère permet de rendre plus naturels les reflets et la transparence.
Sur la manche de la robe, un glissé de pinceau anime le tissu d'un éclat blanc.
Le rose des rubans met en valeur le teint de l'infante.
133. Hans Holbein le Jeune, 1497-1543
Portrait de Nicolas Kratzer (1487-1550), astronome, 1528, H. 0,83 m ; L. 0,67 m, Bois
Le Louvre possède cinq admirables portraits de Holbein, dont celui de l'humaniste Erasme. Le Portrait de Nicholas Kratzer, datant du premier séjour du peintre en Angleterre, représente l'astronome d'Henri VIII dans son atelier, un compas dans la main droite et un cadran solaire en cours de réalisation dans l'autre. Les objets posés sur l'établi sont ceux du fabricant d'instruments astronomiques. Leur disposition rayonnante invite à entrer dans le tableau. Par la sobriété de la construction de l'espace et des couleurs, l'attention est concentrée sur l'homme et les objets qui l'environnent. Le visage pensif de Nicholas Kratzer, compatriote de Holbein et correspondant de Dürer, est plongé dans la lumière.
La feuille blanche indique le nom du modèle, son origine bavaroise, son âge et la date du tableau.
Le cadran solaire que Nicholas Kratzer tient dans la main gauche présente une construction subtile de faces différemment inclinées. Il souligne l'activité du modèle, fabricant de cadrans solaires à la cour d'Henri VIII.
Les outils disposés sur la niche dans le fond gauche du tableau se retrouvent presque à l'identique dans le célèbre tableau des Ambassadeurs, conservé à la National Gallery de Londres.
134. Hans Baldung, dit Grien, 1484/1485 - 1545
Le Chevalier, la Jeune Fille et la Mort, vers 1505, H. O,355 m ; L. 0,296 m, Bois
Le Chevalier, la jeune fille et la Mort appartient à la série d'œuvres à sujets fantastiques d'Hans Baldung Grien. Ce petit panneau sur bois frappe par l'audace de ses tons vifs et la fougue de son mouvement. Une jeune fille, en croupe derrière un galant chevalier, parvient à s'échapper de l'embuscade de la Mort. Sa jupe reste prise entre les dents de la Mort, représentée sous les traits allégoriques d'un squelette effrayant. Hans Baldung Grien, élève de Dürer et figure marquante de la Renaissance allemande, expérimenta de manière audacieuse dans le domaine des sujets profanes. Son attirance pour les images inquiétantes et démoniaques se trouve parfaitement illustrée dans cette œuvre.
L'image effrayante de la Mort sous les traits d'un squelette rappelle l'allégorie de la Vanité, inspirée des danses macabres du Moyen Age. Elle symbolise le caractère transitoire du plaisir et de la vie.
Le squelette est ici embusqué entre trois arbres, peut-être une allusion à la forêt magique, et jonche au milieu d'ossements de cadavres.
Le vallon de l'arrière-plan a rappelé à certains spécialistes la colline d'Arco, dessinée par Dürer quelques années plus tôt et qui est conservée au Louvre.
La nature verdoyante est parsemée de détails minutieux, rendus par des traits fins et ciselés rappelant la formation de dessinateur et de graveur de Baldung.
135. Jan I Brueghel, dit de Velours, ? - ?
La Bataille d'Issus, dit autrefois La Bataille d'Arbelles, 1602, H. 0,685 m ; L. 1,355 m, Bois,
Ce tableau, signé et daté de 1602 fut légué à Louis XIV par son jardinier, Le Nôtre.
Au début du XVIIe siècle, Brueghel inaugure un genre nouveau qui se répandra au XIXe siècle : les scènes de bataille. Ici, il représente la victoire d'Alexandre le Grand, en 333 avant J.C., sur Darius et les Perses.
Resserré au premier plan, ce fourmillement d'hommes et de chevaux s'inscrit dans la tradition de Brueghel de Velours visant à représenter chaque détail avec une précision méticuleuse. Le peintre recherche dans la composition une lecture intense où il tente de raconter toute une histoire en une seule image. Ce qui n'appartient pas au récit est rejeté, avec des couleurs bleues et vertes, dans un fond de paysage presque irréel.
Un léger souffle d'espace dégage l'image de cette femme et de ses deux enfants, jetés au pied de l'empereur.
Jusqu'à l'apparition de la photographie au XIXe siècle, la représentation réaliste d'un cheval au galop est un obstacle sévère pour bien des peintres.
A l'écart de l'agitation confuse, Brueghel s'attache à représenter des personnages pris dans leur individualité, tel ce soldat à pied, chargé de ramasser les lances, sous les ordres de son chef, à cheval.
136. Petrus-Paulus Rubens, 1577 - 1640
Le Débarquement de Marie de Médicis au port de Marseille, 1622-1625, H. 3,94 m ; L. 2,95 m, Huile sur toile
Le Débarquement de Marie de Médicis à Marseille appartient au cycle des 24 toiles de Rubens, commandées par Marie de Médicis pour orner les murs de son palais du Luxembourg. Transportée au Louvre sous le Premier Empire, cette composition monumentale représente la Reine, accompagnée de la grande duchesse de Toscane et de sa sœur, la duchesse de Mantoue, arrivant à Marseille.
Accueillant la Reine, la France est représentée sous la figure d'une femme casquée, couverte d'un manteau bleu parsemé de fleurs de lis d'or, alors que la ville de Marseille est couronnée de tours.
Sur la galère est sculptée une Bonne Fortune. Cet élément, hautement symbolique, est l'emblème de la destinée de la Reine.
Les corps agités des sirènes et la queue reptilienne du nu central rythment le mouvement et se mêlent aux remous des vagues. Le reflet coloré de l'eau glissant sur leurs corps impressionna fortement Delacroix. Dans La Barque de Dante, les gouttes du premier plan sont probablement l'écho de celles ruisselant sur la naïade centrale.
137. Rogier van der Weyden, 1399/1400 - 1464
L'Annonciation, vers 1435, H. 0,86 m ; L. 0,93 m, Bois
Appelée aussi La Salutation évangélique, cette scène de l'Annonciation est décrite dans un intérieur bourgeois cossu, mais sans excès, de la Flandre du XVe siècle. Vêtu selon la mode de l'époque, l'ange Gabriel annonce à Marie son enfantement à venir. Habile coloriste, Rogier van der Weyden renforce les effets de perspective et détache chaque élément grâce à la juxtaposition des couleurs primaires : rouge, bleu et jaune.
La douceur et la réflexion qui accompagnent le visage de la Vierge participent à la sérénité qui se dégage de l'atmosphère de la pièce.
Déjà en ce début du XVe siècle, les peintres flamands excellent dans la représentation réaliste de la nature morte si célèbre dans la tradition flamande.
Prétexte à des jeux de virtuosité visant à saisir les reflets de la lumière, le flacon et les oranges sont aussi un lecture symbolique de la représentation du Bien et du Mal.
Caractéristique de la peinture flamande, la fenêtre ouverte sur un large paysage fait écho aux perspectives intérieures de la pièce.
138. John Constable, 1776 - 1837
La vue de Salisbury, vers 1820, H. 0,355 m ; L. 0,515 m, Huile sur toile
D'une visite à Salisbury, à l'automne 1811, le peintre revient avec de nombreuses études de paysages d'après nature. Ici, cette vue panoramique de Salisbury a sans doute été peinte autour de 1820, d'après des esquisses préparatoires.
Constable réserve les deux tiers de sa composition au ciel. Il ne cherche pas à décrire, mais à transcrire l'atmosphère, en mettant de la lumière dans les couleurs : du bleu presque blanc dans le ciel, des verts un peu jaune et des jaunes un peu vert dans des prairies d'autant plus lumineuses qu'elles contrastent avec les ombres sombres projetées par les bosquets.
La pointe du clocher, dont la toiture bleue se fond harmonieusement avec la ligne d'horizon, rappelle la présence humaine dans ce paysage déserté.
L'éclat de la tache bleue de la rivière accroche sur un coin de terre toute la luminosité du ciel.
Constable écrivit : "le ciel est la source de la lumière dans la nature et gouverne toute chose". Ses études sont contemporaines de celles du météorologiste Luke Howard, sur la classification des nuages.
139. Frans Hals, vers1582/83 - 1666
Bouffon au luth, vers 1620-1625, H. 0,70 m ; L. 0,62 m, Huile sur toile
Le Bouffon au luth de Frans Hals appartient à la série des portraits réalistes dont fait partie La Bohémienne du Louvre. Les portraits de genre à mi-corps de musiciens en costumes d'acteurs, introduits en Hollande par le peintre Honthorst, sont empruntés à la tradition des sujets populaires caravagesques. Les coups de pinceau enlevés de Frans Hals s'accordent parfaitement avec la spontanéité et la vie de ses portraits. Les couleurs vives du costume de fête du musicien, brossées par touches rapides et saccadées, éclatent sur un fond, qui loin d'être unifié, ménage des effets de lumière accompagnant le rythme de la figure.
Un gros plan sur la rose du luth permet d'apprécier la liberté de la touche de Frans Hals. Elle imprime mouvement et fougue à sa matière picturale.
Placé dans le mouvement diagonal de la composition, le visage du bouffon, éclairé et rayonnant, est saisi sur le vif et s'inscrit dans la dynamique du tableau.
140. Rembrandt Harmensz van Rijn, 1606 - 1669
Les Pélerins d'Emmaüs, 1648, H. 0,68 m ; L. 0,65 m, Bois
Les Pèlerins d'Emmaüs, peint par Rembrandt en 1648, interprète de façon émouvante le thème du Christ à Emmaüs, reconnu par deux disciples au cours d'un repas. La qualité de l'éclairage plonge cette révélation de la résurrection du Christ dans une atmosphère chaude et sereine. Le Sauveur irradie ; la matière déposée sur son visage accroche la lumière et le fait surgir de l'ombre. Les pâtes de couleur, montées progressivement sur un fond sombre, créent une surface sensible, vibrant sous les effets lumineux. La simplicité du décor et l'expression du Christ imprègnent les Pèlerins d'Emmaüs d'une profonde humanité.
La niche, creusée dans le fond de la pièce, est utilisée par Rembrandt pour faire ressortir le Christ de l'ombre.
Au centre d'une pyramide formée par les deux disciples, le visage transfiguré, Jésus est éclairé par la lumière de la nappe blanche.
Le cadre architectural est dépouillé et les détails sont simples. Le chien rongeant son os, en bas à gauche du tableau, témoigne de la volonté de Rembrandt de replacer cette révélation dans un contexte humain et quotidien.
Le serveur apporte sur un plateau ce qui semble être un crâne divisé en deux. Il s'agirait d'un agneau, symbole christique fréquent, illustrant le sacrifice du Sauveur et son œuvre rédemptrice.
Le pain est l'élément iconographique indissociable du repas d'Emmaüs. Quand le Christ bénit et rompt le pain, ses disciples le reconnaissent.
141. Johannes Vermeer, 1632-1675
L'Astronome (ou plutôt L'Astrologue), 1668, H. 0,51 m ; L. 0,45 m, Huile sur toile
Le thème du savant dans son atelier est souvent représenté dans la peinture du XVIIe siècle. Vermeer apporte à sa version une touche personnelle, liée au rendu de la lumière dans sa composition. L'astronome, la main gauche posée sur un globe céleste, semble plongé dans ses réflexions. Autour de lui sont disposés les instruments de son activité : le planisphère, le globe, l'astrolabe et le livre ouvert. Dans les traits du personnage et l'agencement de certains motifs, comme le tableau accroché au mur et l'étoffe recouvrant la table, l'Astronome du Louvre apparaît comme le pendant du Géographe. L'un symboliserait le ciel, l'autre la terre.
Le sujet du tableau accroché au mur à droite représenterait Moïse sauvé des eaux et rappellerait la mise en garde de Moïse contre le culte des astres.
La signature et la date du tableau sont inscrites sur la porte de l'armoire. Avec Le Géographe, L'Astronome est une des seules œuvres de Vermeer à être datée. Il est fort possible que cette date soit un rajout tardif.
L'extrême précision avec laquelle Vermeer reproduit l'ouvrage qu'étudie l'astronome est telle que les spécialistes ont pu identifier le traité d'Adriaen Metius sur l'observation des étoiles.
142. Jacob Isaacksz van Ruisdael, 1628/29-1682
La Tempête, 1656-1670, H. 1,10 m ; L. 1,60 m, Huile sur toile
La Hollande est au XVIIe siècle la grande patrie de la peinture de paysages. Jacob van Ruisdael est l'un des représentants les plus illustres de ce genre renouvelé. Son souci d'exprimer le drame et la force des éléments naturels l'amène à déployer de saisissants contrastes de masses et de lumière. Partant de l'observation fidèle de la nature, il intègre souvent à ces paysages des éléments imaginés, visant à rythmer ces grandes compositions. La violence de La Tempête du Louvre est caractéristique de son style enlevé. Les Romantiques du XIXe siècle trouveront en Ruisdael un précurseur de leur inspiration tourmentée.
L'inclinaison des voiles, rares notes de rouge dans cette composition dominée par les tons neutres, témoigne de la force de la tempête et indique un mouvement s'abattant sur la chaumière.
La chaumière a souvent été représentée dans les dessins de Ruisdael. Dans La Tempête, elle offre un point de repère stable, soulignant le mouvement qui agite la mer.
143. Jean Fouquet , 1420-1477/81
César franchissant le Rubicon, entre 1460 et 1476, H. 44 cm ; L. 32,5 cm, Enluminure sur vélin
Illustration pour un manuscrit intitulé Histoire ancienne jusqu'à César et faits des Romains, ce célèbre feuillet représente l'empereur à la tête de son armée, s'apprêtant à franchir le Rubicon. Pour déployer sa scène, Jean Fouquet crée un espace aéré et ample, grâce à la ligne serpentine du fleuve et à la dégradation fondue des couleurs jusqu'à l'horizon. L'échelonnement des montagnes et le rétrécissement progressif des arbres et des personnages, soulignent cette profondeur. L'armée est, quant à elle, dominée par les verticales des lances et par les couleurs saturées. Au sein de cette masse uniforme, César se distingue par l'éclat de son armure dorée et la blancheur de son cheval.
Les marges qui entourent la composition centrale sont caractéristiques de l'agencement des miniatures. Parmi les arabesques et entrelacs de feuillages se profilent divers animaux.
Le personnage de César se détache du reste de l'armée par l'éclat de ses couleurs. Le plaid qui recouvre son cheval est brodé de l'emblème de l'empereur, l'aigle à deux têtes.
Le personnage du premier plan, claironnant dans sa trompette, occupe une place importante dans la composition. Les reflets de ses jambes dans l'eau montrent la virtuosité technique de Fouquet et sa maîtrise de l'exécution par touches fondues.
Telle une apparition surréelle, une femme marche sur l'eau à la rencontre de César. Sa présence reste énigmatique.
144. Jean-Antoine Watteau , 1484-1721
Huit études de têtes et une main, vers 1714, H. 0,267 m ; H. 0,397 m, Pierre noire, rehauts de blanc, sanguine, sur papier gris
Ces huit études de têtes diverses font partie d'une série de dessins d'Antoine Watteau. La technique des trois crayons, avec pierre noire, sanguine et rehauts de pastel et de blanc, permet des modulations de couleurs et de lumière qui confèrent une carnation veloutée à ces figures. Inscrites dans une mise en page harmonieuse, elles présentent des attitudes et des expressions variées, déclinées selon les positions et les éclairages. Dans ce dessin, Watteau dispose avec talent sa touche vibrante par des coups de crayon souples et nuancés.
Les traits de cette femme, en haut à droite, sont proches de ceux d'une jeune femme éclairée par une torche dans l'Amour au théâtre italien.
Le joueur de hautbois en bas à gauche est l'un des personnages du trio musical du Bal champêtre.
Les deux têtes extrêmes des jeunes noirs apparaissent réunies dans le serviteur de la Conversation.
La tête du jeune noir inclinée se retrouve au centre du petit tableau de l'Ermitage, les Coquettes.
Ce personnage féminin, en bas au milieu, apparaît au centre de la barque de l'Embarquement pour Cythère. On retrouve son visage sans chapeau dans le tableau de L'Ermitage, les Coquettes.
145. Jean-Auguste-Dominique Ingres , 1780 - 1867
Portrait de la famille Stanety, 1818, H. 0,463 m; 0,371 m, Mine de plomb
Le Portrait de la famille Stanaty, exécuté par Ingres en 1818, représente le consul Stanaty, entouré de sa femme, de sa fille et de ses deux fils. La ligne d'un tel dessin est d'une pureté étonnante. Nette et sans reprises, elle imprime une grâce fluide aux figures et détache avec précision et relief les plis des vêtements. Uniquement par le jeu des lignes et leur degré d'intensité, Ingres trace sa composition. D'amples courbes se dégagent et inscrivent la famille dans un ovale horizontal. Le cadre de la scène est, quant à lui, réduit à quelques éléments verticaux et horizontaux.
La date de 1818, alors que le consul Stanaty meurt en 1817, suggère différentes interprétations : le dessin pourrait être une œuvre de commande inachevée à la mort du consul, ou une œuvre de commande posthume, ou une œuvre antérieure donnée à la famille en 1818 par l'artiste.
Seul ce tableau orne le décor sobre de la pièce. Il pourrait représenter la tête de la Grande Odalisque, conservée au Musée de Cambrai.
Les jouets du premier plan comptent parmi les rares détails de ce dessin. Ils soulignent l'importance des enfants dans ce portrait de famille.
146. Buonarroti Michelangelo, dit Michel-Ange, 1475-1564
Etudes pour la statue colossale de David et étude de bras gauche, recto, H. 0,265 m ; L. 0,188 m, Plume et encre brune
Cette étude de Michel-Ange est caractéristique de ses premiers dessins, tracés à la plume et annotés de quelques vers. Le fragment de main, exécuté sans doute d'après un modèle vivant, est une recherche pour la statue de marbre du David. Le nu situé à côté est à rattacher au petit David en bronze, aujourd'hui perdu, auquel Michel-Ange travaillait en même temps qu'au David colossal de marbre. Des hachures serrées et croisées modèlent les valeurs et sculptent dans le dessin les muscles de ces figures. L'étude du corps, de ses proportions et de la tension expressive des muscles, est toujours restée le principal souci de Michel-Ange dessinateur.
147. Léonard de Vinci, 1452-1519
Adoration des Mages, vers 1482, H. 0,284 m ; L. 0,214 m, Plume et encre brune sur traits à la pierre noire
Ce dessin de Léonard de Vinci est la première étude d'ensemble pour le tableau des Offices, l'Adoration des Mages, laissé à l'état d'esquisse monochrome sur carton. A côté des croquis saisissant les gestes et attitudes de chaque personnage, Léonard a réalisé une série de dessins pour organiser l'espace de son tableau. Cette étude du Louvre se présente justement comme une annotation des différents éléments de la composition, avec la Vierge et ses adorateurs, une cabane, et des cavaliers dans le fond. Jalon dans la maturation de l'œuvre, ce dessin est loin de la composition finale, qui gagnera en ampleur en se précisant.
La notation rapide du groupe des cavaliers a permis de suggérer un rapprochement avec certaines études pour la Bataille d'Anghiari.
L'escalier à double rampe est un élément de composition qui se retrouve dans la version finale, à gauche au lieu d'être à droite. En même temps qu'il introduit un caractère étrange à cette scène, il permet de développer un groupe de joueurs de trompette, dessinés d'un trait enlevé et alerte.
148. Ebih-Il, L'Intendant de Mari, vers de 2400 avant J-C, H. 0,52 m, statuette, gypse
La statuette de Ebih-il a été trouvée en 1934 par André Parrot sur le site de Mari, sur le Moyen-Euphrate, en Syrie. Sculptée en gypse, elle date des environs de 2400 avant J.-C. Le personnage est identifié par l'inscription du dos : "Statue de Ebih-il, l'intendant, à Ishtar virile, il a voué". Elle avait pour fonction de perpétuer la prière de l'homme devant sa déesse. Le siège, sur lequel il est assis, rappelle la vannerie. Son visage souriant correspond au canon humain contemporain. Les yeux sont en coquille, lapis-lazuli, schiste le tout fixé au bitume. Il est vêtu du kaunakès, jupe en peau de chèvre ou de mouton.
149. Plat au cavalier fauconnier, fin XIIe-début XIIIe siècle, D. 0,220, Céramique siliceuse, décor half-rang rehaussé d'or et décor lustré sur glaçure opacifiée
Ce plat iranien en céramique siliceuse date de l'époque Saldjuquide, fin XIIe - début XIIIe siècle. Le fond est décoré comme une page de miniature d'un thème fréquent à l'époque : un cavalier chassant au faucon, animal noble, compagnon des grands personnages. Son visage rond correspond au canon de beauté d'origine orientale alors en vogue : il évoque la pleine lune. La technique est celle des sept couleurs apparue à la fin du XIIe siècle. Il s'agit d'une technique de petit feu qui a permis d'élargir la palette des couleurs. Celle-ci ne sera pratiquée en Europe qu'au XVIIIe siècle.
150. Taureaux ailés assyriens, VIIIe siècle avant J.-C., H. 4,20 m ; L 4,36 m, Statue colossale, gypse
Ces taureaux androcéphales proviennent du palais assyrien de Khorsabad, l'antique Dûr-Sharrukin, situé au nord de l'Iraq. Ils sont en gypse, anciennement polychrome. Ce palais a été construit au VIIIe siècle avant J.-C. par le roi Sargon II. Tout le décor sculpté servait à l'auto-proclamation royale et à la protection du souverain et de son empire par des génies. Associant le corps d'un taureau, une tête humaine, les ailes d'un aigle et le poitrail d'un lion, ces génies gardaient les portes du palais. Ils devaient empêcher l'entrée des influences néfastes pouvant menacer le roi. Ce type de sculpture se retrouve dans les deux autres palais assyriens de Nimrud et Ninive.
Les Archers de Darius, vers 500 avant J.-C., H. 2m, Relief, briques moulées et glaçurées
151. Ces archers proviennent du palais de Darius à Suse. Souverain de la dynastie perse achéménide, Darius a régné de 522 à 486 avant J.-C.
Construit dans une région où la pierre est rare, les murs étaient décorés de parements de briques moulées et couvertes de glaçure. Retrouvées éparpillées, on reconstitue actuellement dix-huit gardes. Chaque personnage occupe la hauteur de dix-sept briques. Les couleurs sont vives, et la peau des gardes est sombre. Ils portent de longues robes et sont armés d'une lance, d'un arc et d'un carquois.
On ne sait si ces hommes représentent la garde des 10 000 "immortels", troupe d'élite perse, dont parle le grec Hérodote.
Les gardes sont tournés vers la droite et la gauche. On ne sait pas s'ils étaient en symétrie autour d'une porte.
Les gardes portent des bijoux : boucles d'oreilles, bracelets ouverts.
Le décor des robes est un motif de rosettes ou de tours.
Les lances se terminent par une boule reposant sur le pied qui est en avant.
152. Code des lois de Hammourabi, vers 1750 avant J.-C., H. 2,25 m, Stèle, basalte
Le code d'Hammourabi est en basalte et date d'environ 1750 avant J.-C. Il provient de Suse, en Iran, où il avait été déplacé en butin de guerre. Le relief supérieur montre le roi debout devant un dieu trônant.
Le texte est organisé en trois parties : l'introduction lyrique présente le roi ; suivent 282 articles de lois regroupés par thèmes. L'article 22, par exemple, dit : " Si quelqu'un s'est livré au brigandage et s'il a été pris, cet homme sera tué ". La conclusion évoque les souhaits d'Hammourabi : que l'opprimé se fasse lire le texte et qu'il soit respecté par ses successeurs. Considéré comme le testament politique du roi, ce texte est un recueil de jurisprudence et un hymne à la gloire du roi.
La tiare à corne est la marque des divinités. De deux à huit, le nombre indique son rang dans le panthéon.
Le dieu trônant tend au roi l'anneau et la baguette qui sont les marques du pouvoir.
Dans les portraits connus d'Hammourabi, il porte le bonnet rond à haut bord, proche de celui que portait Goudéa.
Lever la main droite devant la bouche est un signe de prière et de respect envers la divinité.
Le texte est en écriture cunéiforme et en langue babylonienne. Il débute sous le siège du dieu.
153.
Goudéa Prince de Lagash, vers 2125-2110 avant J.-C., H. 0,705 m ; L 0,224 m , statue, diorite
Le prince Goudéa a régné sur l'Etat de Lagash, en Mésopotamie du Sud, vers 2125-2110 avant J.-C. Il nous a laissé de nombreuses statues de diorite, pierre importée de la péninsule d'Oman, le représentant assis ou debout, mains jointes dans l'attitude de la prière. Il porte le bonnet royal rond à haut bord. Sa robe drapée sur le bras gauche dénude l'épaule droite. Comme trois autres représentations, celle-ci ne porte aucun texte. Les inscriptions du roi, nombreuses par ailleurs, racontent ses constructions de temples. Ces statues de Goudéa, insistantes sur l'expression de piété, étaient déposées dans les différents temples de sa capitale, Girsu, afin de perpétuer sa prière.
154.
Portrait de Shah 'Abbas 1er et son page, 10 février 1627, Page : H.27,5 cm ; L. 16,8 cm
Miniature : H. 0,265, Miniature, dessin sur papier rehaussé à l'or et à la gouache, Mohamed Q‰sim Mussarvir
Ce portrait de Shah Abbas Ier est un dessin sur papier rehaussé de gouache, d'or et d'argent. Il est daté de 1627 et signé par Muhammad Qasim dont c'est la première oeuvre connue. Au XVIIe siècle, à la cour safavide d'Ispahan, la mode des albums de miniatures et de dessins supplante celle des grands manuscrits ; l'art du portrait individualisé connaît une grande vogue. La scène se passe dans un jardin évoqué par un érable, au bord d'un ruisseau, dont l'eau, à l'origine argentée, a noirci. Le shah coiffé d'un chapeau conique à larges bords, dont il avait lancé la mode, enlace un de ses pages qui lui offre à boire.
" Que la vie vous procure ce que vous désirez des trois lèvres : celle de votre amant, celle de la rivière et celle de la coupe ".
Ce type de scène intime n'est pas rare dans l'art safavide à partir du règne de Shah Abbas Ier.
C'est le seul portrait parvenu jusqu'à nous, réalisé du vivant de ce souverain d'Iran
155.
Sepa et Nesa, 2700 avant J.-C. vers, H. 1,65 m ; L. 0,40 m ; P. 0,55 m , Statues, calcaire peint
Ces statues de calcaire font partie des plus anciennes représentations grandeur nature de l'art égyptien. L'inscription des socles identifient Sepa, un haut fonctionnaire de la IIIe dynastie, vers 2700 avant J.-C., et son épouse Nesa. Elles portent des restes de polychromie. Sepa tient les insignes de son rang : canne et sceptre. Il est coiffé de la perruque courte bouclée, identique à celle portée de son vivant les jours de fête ; il est vêtu d'un pagne court. Comme pour Sepa, la coiffure et le vêtement de Nesa reflètent la mode de leur époque. Ces statues funéraires sont des substituts du corps dans le monde des morts. Ce sont des portraits sociaux des défunts représentés dans une jeunesse éternelle.
156.
Le grand sphinx, 2620 avant J.-C. vers ou 1929-1895 avant J.-C., H. 1,83 m ; L. 4,80 m , Grande statue, granit rose
Ce sphinx est taillé dans un seul bloc de granit rose d'Assouan ; c'est un des plus grands conservés hors d'Egypte. Il provient de Tanis, dans le Delta. Les sphinx sont associés à la protection des temples et en gardent l'entrée. Le roi représenté ici est coiffé du némès, avec l'uraeus (le cobra dressé) et la barbe postiche. Le corps est celui d'un lion.
Ce sphinx porte plusieurs noms royaux, de différentes époques, preuves de sa réutilisation. La date de sa réalisation ne peut être établie avec certitude : l'Ancien ou le Moyen Empire.
157. Le Scribe accroupi, vers 2620-2350 avant J.-C., H. 0,537 m ; L. 0,44 m ; P 0,35 m, Statue, calcaire peint
Le scribe accroupi a été découvert dans une tombe de Sakkara par Auguste Mariette. Il est en calcaire peint, les yeux sont incrustés et il date de l'Ancien Empire (IVème ou Vème dynastie). Son état de conservation est exceptionnel. L'identité du personnage est inconnue par l'absence du socle de calcaire qui portait l'inscription. On peut cependant être certain qu'il s'agit d'un haut dignitaire. Les plus anciennes statues de scribe datent de la IVe dynastie et représentent des princes écrivant ou lisant. Ici, il est dans l'attitude de l'écriture. Son visage énergique est sans doute un portrait. L'embompoint du torse est caractéristique des représentations de scribe. Il est dans une position d'éternité afin de recevoir les offrandes funéraires.
L'iris est un cristal de quartz percé pour rendre la pupille. Il est enchâssé dans du carbonate de magnésium maintenu dans deux griffes de cuivre.
Sa main droite est percée entre le pouce et l'index; à l'origine il tenait son pinceau.
Sa main gauche tient le rouleau de papyrus. Les hiéroglyphes y étaient écrits de droite à gauche.
L'anatomie des jambes et pieds est plus simplifiée; les pieds vus de face ont seulement trois orteils.
158. La Divine Adoratrice Karomama, vers 850 avant. J.-C, H. 0,595 m ; L. 0,125 m ; P. 0,35 m, statuette, bronze incrusté d'or, d'électrum et d'argent
Cette statuette de la Divine Adoratrice d'Amon, Karomama, date de la XXIIe dynastie, vers 875-850 avant J.-C. Elle est en bronze décoré d'or, d'électrum et d'argent. Ses yeux sont incrustés et ses chairs étaient dorées.
Karomama, petite fille du roi Osorkon Ier, était une vierge consacrée au dieu Amon de Thèbes. Elle jouait localement un rôle politique majeur. Elle tenait un sistre dans chaque main. Le mortier placé sur sa tête devait supporter les deux hautes plumes qui avec l'uraeus, cobra dressé, placé sur le front, caractérisent la coiffure des reines. Son corps élancé correspond au canon féminin de l'époque et sa robe porte un décor de plumes, repris au costume des déesses. Cette œuvre exceptionnelle par sa taille et sa technique témoigne de la virtuosité des bronziers égyptiens du Ier millénaire avant J.-C.
159. Porteuse d'offrandes, 2000-1800 avant J.-C. vers, H. 1,085 m ; P (socle) 0,327 m, Statue, bois de ficus plâtré et peint
La porteuse d'offrande est sculptée en bois de ficus plâtré et peint. Elle fait partie des représentations de serviteurs placées dans les tombes de dignitaires égyptiens pendant la Première Période Intermédiaire et le Moyen Empire. Elle ne porte aucun texte : c'est une servante anonyme qui pour l'éternité servira le propriétaire de la tombe où elle était déposée. Elle tient un vase à eau dans sa main droite et porte une auge sur la tête, sur laquelle est posée une patte de boeuf. Ainsi, le défunt pourra manger et boire éternellement.
160. Nakhthorheb, VIe siècle avant. J.-C, H. 1,48 m ; L 0,465 m ; P. 0,70 m, Statue, grès cristallisé
Nakhthorheb a vécu durant la XXVIe dynastie, sous le règne de Psammétique II, au VIe siècle avant J.-C. Sa statue est en grès et le représente dans l'attitude de la prière. Nakhthorheb a dédié sa statue au dieu Thot, " seigneur de Dendera et d'Hermopolis " deux villes anciennes de Haute-Égypte. Cet homme occupait de hautes fonctions religieuses : il était chef des prêtres ritualistes. Le style est caractéristique de l'époque : visage plein et souriant, anatomie du torse en trois parties, archaïsme de la coiffure et du vêtement lisse. Cette statue, placée dans la cour d'un temple, devait lui permettre de participer chaque jour au repas du dieu.
161. Statue Colossale du Roi Amenhotep IV-Akhenaton, 1365-1349 avant J.-C. vers, H. 1,37 m ; L. 0,88 m ; P. 0,60 m, statue colossale, grès peint
Ce buste colossal d'Amenhotep IV - Akhenaton, en grès peint, date de la fin de la XVIIIe dynastie. Il provient d'un temple solaire à l'est de Karnak, construit au début du règne. Il faisait partie d'un ensemble de 24 colosses du roi de 4 mètres de haut, placés symétriquement devant les piliers d'une cour à portique. Le roi est représenté bras croisés sur la poitrine tenant le crochet heka et le fouet nekhekh. Le visage allongé, aux yeux en amande et à la bouche ourlée, est caractéristique des portraits du début du règne à Thèbes. La barbe royale est fixée au menton. Les cartouches de son dieu solaire sont sculptés sur son corps.
162. La déesse Hathor accueillant le roi Sethi Ier, vers 1303-1290 avant J.-C., H. 2,265 m ; L. 1,05 m, Bas relief, calcaire peint
Ce bas-relief en calcaire peint représente le roi Séthi Ier, second roi de la XIXe dynastie, face à la déesse Hathor. Il provient de la tombe de Séthi Ier dans la Vallée des Rois, à Thèbes ouest. Les personnages sont identifiés par les textes hiéroglyphes au-dessus de leurs têtes. Le roi défunt vient du monde des vivants ; il est accueilli par la déesse Hathor qui lui tend son symbole protecteur. La déesse était particulièrement vénérée à Thèbes ouest pour son rôle d'accueil des défunts. On remarquera le canon élancé des personnages, la richesse des costumes et des parures caractéristiques de l'art de ce règne. Rapporté par Champollion, ce relief a son pendant au musée archéologique de Florence.
Hathor est aussi la vache céleste qui met le soleil au monde ; le soleil apparaît entre ses cornes.
Hathor donne au roi son symbole le collier-menat, qui symbolise la vie.
Le décor de la robe de la déesse sont des hiéroglyphes donnant les titres et les noms du roi.
Ce sont les 4e et 5e noms de la titulature royale : " Menmaâtrê, Séthi aimé de Ptah ".
Elément régalien fréquent au Nouvel Empire, un devanteau orfévré tombe à l'avant du pagne du roi.
163. Les musiciens, détail du mastaba de Akhhétep, vers 2450 avant J.-C., Bas-relief, calcaire peint
Ce bas-relief est un détail de la paroi nord du mastaba de Akhhétep, un notable de la Ve dynastie. Un mastaba est une chapelle funéraire, celle-ci provient du grand cimetière de Sakkara et a été remontée au Louvre.
Le banquet funéraire, qui est représenté sur les parois, était accompagné de chants et de danses. Nous voyons ici deux musiciens et deux chanteurs. Ils jouent de la harpe et de la flûte. C'est dans la chapelle de la tombe qu'était célébré le culte funéraire : les héritiers et les prêtres récitaient des prières en déposant de la nourriture et de la boisson pour que l'âme du défunt vive éternellement. Le décor des parois évoque ce que le mort a connu de son vivant et ce qu'il espère vivre dans l'au-delà.
" Jouer de la harpe et chanter ". Les hiéroglyphes se font face comme les personnages auxquels ils se rapportent.
" Jouer de la flûte et chanter ". Le texte au-dessus des figures en est toujours le commentaire.
Par le geste de la main levée, les deux chanteurs indiquent le rythme ou la note à jouer.
L'Egypte ancienne ne nous a laissé aucun système de notation musicale.
Ce geste encore familier aux chanteurs orientaux actuels permet de mieux saisir la note.
164. Scène d'enterrement extraite du "Livre des Morts" de Nebqued, 1400 avant J.-C. vers, H. environ 0,30 m, Papyrus peint
Le Livre des morts de Nebqed, inscrit sur papyrus, date de la XVIIIe dynastie (vers 1400 avant J.-C.). Ce recueil funéraire apparaît alors dans les tombes civiles et est utilisé jusqu'à l'époque romaine. La longueur du texte varie et le rouleau de papyrus peut atteindre 20 m de long. Il était placé près de la momie. Le texte est un ensemble de formules magiques permettant au défunt de vivre sans encombre dans l'au-delà et de pouvoir comparaître devant le tribunal d'Osiris. En récitant ces textes, le défunt pourra " sortir le jour sur terre et rentrer le soir dans sa tombe ", c'est-à-dire suivre la course du soleil. Les plus beaux exemplaires ont des dessins illustrant le texte. Nous voyons ici le cortège des funérailles.
Le cortège part vers la tombe. Le sarcophage contenant la momie vient de traverser le Nil afin de gagner la rive ouest où sont les nécropoles.
Le prêtre ritualiste porte une peau de félin ; il tient un vase à eau et un encensoir pour les rituels de purification.
Le sarcophage est devant la porte de la tombe. Le prêtre funéraire accomplit le rituel d'ouverture de la bouche, rite magique redonnant l'usage de ses sens au défunt.
Le texte est écrit en hiéroglyphes cursifs de haut en bas et de droite à gauche. Le rouge sert pour le titre des prières, le noir pour le texte.
165. Le Christ et l'abbé Mena, VI-VIIe après J.-C., H. 57 cm ; L. 57 cm ; ép. 2 cm, peinture à la détrempe
Cette peinture du Christ et l'abbé Mena provient du monastère de Baouît. Elle date du VIe ou VIIe siècle. C'est une peinture à la cire et à la détrempe sur bois de figuier. Devant un paysage, le Christ présente le supérieur du couvent par un geste hérité de l'époque pharaonique. Il porte le livre des Ecritures, dont le décor évoque les reliures à perles et cabochons de pierre. L'abbé Mena tient un rouleau, peut-être la règle du monastère. Les corps sont tassés par rapport aux visages longs, aux grands yeux fixes. Ils sont vêtus d'une tunique et d'un châle, costume courant de l'époque. La forme des plis est caractéristique de la peinture copte. Ce panneau était peut-être inséré dans la maçonnerie du mur.
166. Tête de cavalier dite Cavalier Rampin, vers 540 avant J.-C., H (tête) 0,27 m, Tête, marbre
Cette tête de cavalier en marbre, découverte sur l'Acropole d'Athènes au XIXe siècle, fut achetée par le collectionneur Rampin, qui la donna au Louvre. Datée aux environs de 540 avant J.-C. environ, c'est une des plus anciennes statues équestres de l'art occidental. Cavalier vainqueur à une course, héros ou dieu, il est coiffé d'une couronne de feuillage stylisé. Le visage subtilement modelé, aux grands yeux en amande, aux pommettes saillantes, est encadré par les boucles, délicatement ciselées, des cheveux et de la barbe. Il est animé d'un sourire très doux, qui caractérise la sculpture grecque archaïque. Des traces de peinture noire et rouge sont encore visibles sur les yeux, les cheveux et la barbe.
167. Sarcophage des Époux, Fin du VIe siècle avant J.-C., H. 1,14 m ; L. 1,90 m, sarcophage, terre cuite
Le Sarcophage des époux a été retrouvé au XIXe siècle près de Rome, dans la nécropole de Cerveteri, l'antique Caeré. Ce sarcophage de la fin du VIe siècle transpose dans la statuaire monumentale une scène dessinée sur les nombreux vases grecs importés en Etrurie : le thème du banquet. Les visages souriants aux yeux en amande, les longs cheveux tressés, le dessin des pieds du lit révèlent l'influence grecque. Mais le contraste marqué entre les bustes redressés et les jambes très aplaties est typiquement étrusque. Un travail de restauration a mis au jour des traces de polychromie.
168. Euphronios
Cratère en calice à figures rouges d'Euphronios : Héraklès et Antée, vers 510 avant J.-C, H. 0,46 m, Céramique, terre cuite
Chef-d'œuvre de la céramique grecque, le cratère a été réalisé à Athènes vers 510 avant J.-C. Ce vase était utilisé pour couper le vin avec de l'eau lors d'un banquet. Signé du peintre Euphronios, un des maîtres de la technique des figures rouges, il est orné d'une scène mythologique encadrée d'un décor végétal. Celle-ci montre, à gauche, le héros grec Héraclès luttant contre le géant Antée, qu'il s'apprête à tuer. La composition pyramidale met en valeur leur affrontement. Le choix d'un moment dramatique, l'enchevêtrement des corps, le réalisme des anatomies sont caractéristiques de l'apogée artistique d'Euphronios.
Le visage régulier et impassible d'Héraclès contraste avec celui d'Antée dont la bouche ouverte exprime la souffrance.
Les contours des muscles sont finement dessinés, et des ombres peintes leur donnent un volume sculptural.
La mainte droite d'Antée est inerte, sur le sol, témoignant de l'impuissance et de la défaite du géant.
169. Victoire de Samothrace, vers 190 avant J.-C., H. 3,28 m, Statue, marbre (statue) et calcaire (l'aile droite est une reconstitution en plâtre)
Découverte au XIXe siècle sur l'île de Samothrace, en mer Egée, cette majestueuse statue de marbre représente Niké, la déesse ailée de la victoire. Les ailes déployées, elle lutte contre le vent, qui lui plaque la tunique contre le corps, révélant ainsi le modelé du ventre. Le vent fait flotter son manteau en grands plis obliques qui soulignent le mouvement des jambes. Du haut d'une colline, elle dominait le sanctuaire des Grands Dieux et se présentait de trois-quarts. Placée sur la proue d'un navire en pierre, elle commémorait probablement une victoire navale remportée par les Rhodiens en 190 avant J.-C.
170. Aphrodite dite Vénus de Milo, vers 100 avant J.-C., H. 2,02 m, Statue, marbre
Cette statue en marbre fut découverte en 1820, malheureusement privée de ses bras, dans l'île de Milo, en mer Egée. Elle représente sans doute Aphrodite (Vénus en latin) déesse de l'amour et de la beauté, dont le torse nu se dégage d'un drapé. Son corps sensuel, sensiblement hanché, est animé d'un mouvement en spirale, qui se poursuit jusqu'à la tête, légèrement inclinée la gauche. Le bras droit, abaissé, croisait le corps; le gauche était levé. Cette représentation est fréquente dans la sculpture grecque depuis le IVe siècle avant J.-C.. Ici, le réalisme du corps, la mobilité de la pose et la diversité des plis du vêtement en font une oeuvre typique des recherches de l'époque hellénistique, et permettent de la situer vers 100 avant J.-C.
Le visage serein au regard lointain, au nez droit, exprime la majesté divine.
La statue portait à l'origine des bijoux : un bracelet était fixé grâce aux deux perforations encore visibles en haut du bras droit.
171. Guerrier combattant dit "Gladiateur Borghèse", vers 100 avant J.-C., H. 1,99 m, Statue, marbre
Trouvé au début du XVIIe siècle près de Rome, "Le Gladiateur Borghèse" était un des fleurons de cette célèbre collection italienne, achetée par Napoléon Ier. Le bras droit est moderne. Il s'agit non d'un gladiateur, statut ignoré des Grecs, mais d'un guerrier au combat qui se protégeait à l'aide d'un bouclier, dont le brassard est encore visible sur le bras gauche. Son corps nu, selon la convention de l'art grec, est très allongé, en extension, avec une musculature nerveuse. Il marque un aboutissement de la sculpture grecque pour l'étude de l'anatomie et le rendu du mouvement dans l'espace. Le tronc d'arbre, situé derrière le guerrier, porte la signature du sculpteur Agasias d'Ephèse, ce qui permet de dater l'œuvre de 100 environ avant J.-C.
172. Marcellus, 23 avant J.-C. vers, H. 1,80 m, Statue, marbre
Cette statue représente sans doute Marcellus, neveu et héritier présumé d'Auguste, mort en 23 avant J.-C. à l'âge de 19 ans. Le visage est un portrait, mais le corps représenté nu est idéalisé sur le modèle de la sculpture grecque classique. La tortue, située sous la draperie, est le symbole de Vénus, ancêtre mythique de la famille impériale ; elle porte la signature de l'Athénien Cléoménès, un des nombreux sculpteurs grecs installés à Rome à cette époque. Auguste promut leurs œuvres en un art officiel hérité de l'art grec classique, dont l'aspect serein et humaniste convenait à l'image que l'Empereur voulait donner de son pouvoir.
173. Statuette féminine dite "Dame d'Auxerre", vers 630 avant J.-C., Statuette, marbre
Conservée autrefois au musée d'Auxerre, cette petite statue de 75 cm de haut a été probablement réalisée en Crète vers 630 avant J.-C. C'est une des plus anciennes sculptures grecques en pierre. Son style mêle abstraction et naturalisme. Elle est debout, dans une attitude hiératique, le bras droit sur la poitrine, esquissant peut-être ainsi un geste de prière. Seul le modelé de la poitrine est perceptible sous le vêtement. À l'origine, la statue était peinte, comme la plupart des œuvres de cette époque. Les motifs gravés (écailles sur la poitrine, carrés sur la tunique) servaient à délimiter les différentes couleurs. Elle est une étape importante vers la statuaire monumentale de l'Antiquité grecque.
174. Mosaïque d'Antioche : le jugement de Paris, peu après 115 après J.-C., H. 1,86 ; L. 1,86 m, Mosaïque, marbre, calcaire et pâte de verre
Les mosaïques étaient très appréciées des Romains pour décorer les sols de leurs villas ou de leurs monuments publics. Cette mosaïque ornait la salle à manger d'une riche villa d'Antioche en Syrie, une grande ville romaine d'Orient. Elle représente un sujet célèbre de la mythologie grecque. Le prince troyen Pâris doit choisir, en présence du messager des dieux, Hermès, la plus belle des trois déesses : Athéna, Héra ou Aphrodite. La scène se déroule dans un paysage montagneux. Conçue comme un tableau, elle montre un sens de l'espace par la présence de différents plans, et des volumes par de subtils dégradés de couleurs. Elle perpétue ainsi la tradition picturale grecque, encore vivante au début du IIe siècle après J.-C.
Les cubes de pierre, parfois minuscules pour les visages, permettent de modeler les traits avec finesse.
Une chèvre s'abreuve à un ruisseau fait de cubes en pâte de verre turquoise.
Une bordure naturaliste, peuplée d'oiseaux, de lézards et d'insectes, mêle le lierre et la vigne.
175. Anonyme
Statue équestre de Charlemagne, IXe siècle, H. 0,235 m, Statuette, Bronze, traces de dorure
Les sculptures équestres de souverains apparaissent lors de l'antiquité. Celle de l'empereur Marc Aurèle, à Rome, en est la plus célèbre et a largement inspiré la statuette du Louvre.
Les différences de styles et de proportions entre la monture et le cavalier, ainsi que la fonte réalisée en plusieurs pièces de bronze, autrefois doré, plaident en faveur d'un assemblage entre une figurine d'homme du IXe siècle et d'une autre, plus ancienne, d'un animal. Le traitement de la crinière du cheval est proche, en effet, de celles des ivoires byzantins du VIe siècle.
L'homme, couronné, tenant dans une main une épée disparue et dans l'autre un orbe, attribut impérial caractéristique, est présenté comme étant Charlemagne dans un inventaire dressé au XVIe siècle du trésor de la cathédrale de Metz où l'œuvre était conservée sous l'Ancien Régime. Cette identification semble corroborée par la comparaison de ce visage avec celui de l'empereur visible sur certaines pièces de monnaie frappées après 804.
La statuette représenterait ainsi une personnalité marquante du Haut Moyen Age et est le seul portrait sous toutes les faces, ou en ronde-bosse, d'un souverain du IXe siècle.
176. Anonyme
Sceptre de Charles V, 1364 (?)-1380, H. totale 60 cm, Or autrefois émaillé, perles, pierres précieuses, verres
Charles V fit réaliser, au IVe siècle, des objets rituels pour le sacre de son fils et successeur, Charles VI.
Le sceptre fut ensuite utilisé lors de toutes les cérémonies de sacre. Utilisé à Reims et une fois à Paris, à l'occasion du sacre de Napoléon Ier, il était conservé avec les autres instruments du sacre au trésor de l'abbaye de Saint-Denis.
Le sceptre, en or, est composé d'une hampe, écourtée pendant la Révolution et surmontée d'un nœud en forme de sphère, travaillé au repoussé, où figurent trois épisodes de la légende de Charlemagne. Le nœud est coiffé d'une fleur de lys, autrefois émaillé en blanc. Au sommet de l'ensemble apparaît l'empereur Charlemagne, prédécesseur illustre de Charles V au trône de France et une référence pour ce roi, le troisième seulement de la dynastie des Valois.
Symbole d'autorité monarchique, le sceptre est également un témoignage de la volonté de raffinement de la cour au IVe siècle.
La tête de Charlemagne fut fondue et ciselée à part, avant d'être engagée dans le corps de la statuette, elle-même faite de plaques d'or façonnées. La croix, apposée sur la couronne lors du sacre de Napoléon, remplace une perle.
Charlemagne tenant l'épée et l'orbe se voit confier par saint Jacques le soin de libérer l'Espagne aux mains des Maures.
177. Pierre Redon, Mort vers 1572
Casque et bouclier de Charles IX (1550-1574), avant 1572, bouclier: H. 68 cm; L. 49 cm
Casque H. 35 cm ; L. 37 cm, Fer repoussé et plaqué d'or, émaux opaques rose et blanc et émaux translucides verts et bleus
Les progrès des armes à feu, à la fin du Moyen Age, ont rendu vaine la protection corporelle au moyen d'une armure intégrale. Leur usage ne se justifie pleinement désormais que dans le cadre des tournois. Aussi, beaucoup d'armures produites au XVIe siècle ont-elles uniquement l'apparat pour finalité. En dépit d'un décor souvent martial, elles témoignent d'un raffinement et offrent un nouveau support aux arts précieux.
Ce casque et ce bouclier, datés respectivement vers 1570 et vers 1572, furent livrés par Pierre Redon, orfèvre et valet de chambre de Charles IX. Les deux pièces sont en fer, travaillé au repoussé, rehaussé d'émaux opaques et translucides. Seul le sujet au centre du bouclier a été identifié : il s'agit du combat du consul romain Marius contre le roi de Numidie Jugurtha, en 107 avant J.C.
Les bordures sont, conformément au goût du XVIe siècle, larges et décorées sur toute leur surface de masques et trophées divers.
178. Le Régent, XVIIIe siècle, P. 140,64 carat métrique, Diamant
Le Régent est le plus gros diamant des collections publiques françaises. Il pèse cent quarante carats et demi. Sa pureté n'a d'égale que la perfection de sa taille.
Le bloc d'où il est extrait fut découvert en Inde, à Golconde, en 1698. Envoyé peu après en Angleterre, il y fut taillé durant deux ans.
Louis XIV, à qui on le présenta, ne put se résoudre à l'acheter. Son neveu, Philippe d'Orléans, régent de France lors de la minorité de Louis XV, décida de l'acquérir en 1717 pour en faire la pièce maîtresse des joyaux de la couronne. Le nom de Régent s'imposa alors.
Instrument d'apparat de la monarchie, le diamant servit notamment à décorer la couronne du sacre de Louis XV et le chapeau de Louis XVI à l'ouverture des Etats Généraux le 5 mai 1789 à Versailles.
Volé pendant la Révolution avec les autres bijoux de la couronne alors conservés à l'hôtel du garde-meuble à Paris, il fut retrouvé deux ans plus tard dans la charpente d'un grenier. Il servit de nouveau, au XIXe siècle, à décorer l'épée de Napoléon Ier et la couronne de Charles X lors de leurs sacres.
179. André-Charles Boulle, 1642 - 1732
Armoire Boulle, début du XVIIIe siècle, H. 260 cm; L. 148 cm; Pr. 64 cm, Bâti de chêne, placage d'ébène et d'écaille, marqueterie de laiton, étain, corne et bois de couleurs, bronze doré
Ce meuble luxueux est un parfait témoin de l'art du grand ébéniste du règne de Louis XIV : André-Charles Boulle, dont le Louvre possède plusieurs créations. La forme de l'armoire à deux grandes portes était alors une nouveauté, dont l'artiste s'est fait une spécialité. L'ampleur monumentale, la rectitude des lignes reflètent le goût classique de l'époque. Le riche décor plaqué associe la marqueterie de fleurs et la marqueterie dite "Boulle". Des ornements de bronze doré viennent rehausser l'éclat de l'ensemble. Leur rôle relativement discret et l'importance de la marqueterie naturaliste inspirent une datation précoce dans l'œuvre de Boulle.
La marqueterie Boulle consiste à découper motifs et fond dans deux ou trois matériaux superposés de couleur contrastée, puis à insérer les motifs clairs dans le fond sombre et inversement. Il s'agit ici de laiton et d'étain sur fond d'écaille de tortue.
Le bronze a ici un rôle plus utilitaire que décoratif : il protège les parties fragiles du meuble telles les entrées de serrure.
Un oiseau et un papillon tournoient autour d'un bouquet de fleurs. Les motifs traités avec minutie et réalisme se détachent sur un fond d'écaille de tortue.
Dans la marqueterie de ce petit panneau, le fond de corne est teintée en bleu à l'imitation du lapis-lazuli.
180. François-Désiré Froment-Meurice, 1802-1855
Coupe des Vendanges, vers 1844, H. 35 cm ; L. 27 cm; Pr. 15 cm; P. 2,595 kg, Argent partiellement doré et émaillé, agate, perles
Cette coupe en agate à usage décoratif tire son nom de sa monture, formée d'un cep de vigne en argent doré. La base est ornée de personnages symbolisant trois formes d'ivresse : l'ivresse amoureuse, suggérée par Loth et une de ses filles ; l'ivresse bachique, représentée par Noé et l'ivresse du poète, personnifiée par Anacréon.
Allongée sur l'anse, une femme incarne la Raison endormie par l'ivresse.
Dans l'atmosphère éclectique de son temps, Froment-Meurice renoue avec le goût de la Renaissance et du XVIIe siècle pour les pierres dures montées en orfèvrerie. Il remet à l'honneur la ciselure et l'émaillerie. Il sait aussi faire preuve de nouveauté dans la forme et le goût végétal ainsi que symbolique qui préfigurent l'Art Nouveau.
181. Anonyme, XIVe siècle
Charles V (1338-1380) et Jeanne de Bourbon, Troisième tiers du XIVe siècle, H. 1,95 ; L. 0,71 m ; P. 0,41 m, Statue, pierre
On a longtemps considéré que ces deux statues provenaient du portail des églises parisiennes des Quinze-Vingt ou des Célestins. Mais leur mention dans la salle des Antiques du Louvre dès 1692 invite à penser qu'elles figuraient sur les tours occidentales du château détruites vers 1660. La simplicité des plis s'harmonise avec les traits réalistes des visages. Le menton fuyant du roi mais aussi son air bienveillant montrent cet intérêt du XIVe siècle pour le portrait et pour l'individu. Leur emplacement présumé au Louvre, symbole de puissance royale face à la ville de Paris, marque l'émergence d'un art politique dans un cadre urbain.
182. Michel Colombe, 1430/1435-vers 1511
Saint Georges combattant le dragon, XIVe 2e quart, H. 1,75 m ; L. 2,72 m, Relief, marbre
Ce grand retable en marbre provient de la chapelle haute du château de Gaillon en Normandie. Michel Colombe, sculpteur réputé de la fin du Moyen Age, exécuta le relief central. Saint Georges y délivre la princesse de Trébizonde des griffes d'un dragon. Le nouvel intérêt porté à la nature et à la perspective se remarque dans le paysage. Le commanditaire, Georges d'Amboise, archevêque de Rouen, avait accompagné Louis XII dans ses expéditions italiennes. Il en ramena des sculpteurs qui réalisèrent le cadre peuplé de rinceaux, de masques et de vases. Inspiré de fresques antiques, ce décor dit de " grotesques " constitue une des premières marques d'italianisme en France.
183. Anonyme
Diane chasseresse, XVIe siècle, milieu, H. 2,11 ; L. 2,58 ; P. 1,345 m, Groupe, marbre
Cette œuvre du milieu XVIe siècle passe pour la plus ancienne statue de jardin conservée en France. Elle servit longtemps de décor de fontaine dans la cour du château de Diane de Poitiers à Anet. Sur un haut socle orné de crustacés et de monogrammes de Henri II, une Diane allongée s'appuie sur un cerf. La présence d'un arc et de chiens affirme, en dépit de sa nudité, sa fonction de déesse de la chasse. Son corps fluide à l'attitude contournée s'oppose à l'aspect plus réaliste des animaux. L'ensemble monumental conserve élégance et raffinement des détails. Le sculpteur demeure anonyme, mais son style l'inscrit pleinement dans l'art maniériste de l'Ecole de Fontainebleau.
184. Germain Pilon, 1528-1590
Les trois Grâces du monument du cœur d'Henri II, vers 1560-1566 , H. 1,50 m ; L 0,755 m ; P. 0,755 m, Groupe, marbre
Vers 1560, Catherine de Médicis commanda pour l'église des Célestins le monument du cœur de son défunt mari Henri II. Dominique Florentin, d'origine italienne, exécuta le décor complexe du socle. La réalisation des trois Grâces soutenant l'urne revint à Germain Pilon. Les figures placées dos à dos et le geste de leurs bras invitent à tourner autour d'elles. Sur le canon maniériste allongé, Pilon imprime sa marque dans les drapés froissés. D'autres commandes royales et privées montrent son rôle essentiel dans la seconde moitié du XVIe siècle.
185. Pierre Puget, 1620-1694
Milon de Crotone, 1670-1683, H. 2,70 m; L. 1,40 m ; P. 0,98 m, Groupe, marbre
La réputation de Pierre Puget, sculpteur marseillais, fût telle que Colbert lui confia en 1670 plusieurs blocs de marbre sans contrainte de sujet ou de composition. Le thème choisi est à la fois anecdotique et philosophique. Milon de Crotone, athlète vieillissant et orgueilleux, tente de fendre un tronc d'arbre. La main coincée, il sera dévoré par les bêtes sauvages. Les obliques contrariées traduisent une tension dramatique. Le tournoiement du lion, des drapés, le jeu des vides et des pleins renforcent l'expression de la silhouette. Puget excelle enfin dans la traduction des différentes matières. Présentée en 1683 à Versailles, la statue plût au roi. Elle constitue un des sommets de l'art baroque français.
Le pied crispé annonce la concentration de l'énergie et la tension du corps.
Le ciseau de Puget transforme le marbre en griffe et en chair déchirée.
La torsion de la tête et la bouche entrouverte trahissent enfin la douleur de Milon.
186. Etienne-Maurice Falconet, 1716-1791
Nymphe (ou Vénus) au bain, dite La Baigneuse, 1757, H. 0,82 m ; L. 0,26 m ; P. 0,28 m, Statuette, marbre
Théoricien de la sculpture, Falconet prône un art moral. Mais le goût du XVIIIe siècle l'invita à produire aussi des œuvres plus galantes. Sans prétexte mythologique, la baigneuse nue avance son pied vers l'eau. Si Falconet fut tenté parfois par le rocaille, un baroque assagi et léger, il se montre sensible ici au retour à l'Antique, fréquent au milieu du siècle. Mais nulle froideur. La figure devient simple et presque naturaliste. L'œuvre a appartenu à Madame du Barry et témoigne de l'attrait qu'eut alors la statuaire dite de salon. De multiples copies et réductions rappellent son grand succès jusqu'à nos jours.
187. Jean-Antoine Houdon, 1741-1828
Louise Brongniart âgée de cinq ans, 1777, H. 0,35 m ; L. 0,242 m ; P. 0,24 m, Buste, terre cuite
Portraits officiels en marbre et œuvres plus intimes expliquent l'importance de Houdon dans le dernier quart du XVIIIe siècle. Louise Brongniart, fille de l'architecte de la Bourse a alors cinq ans. L'absence de costume dénote une inspiration néo-classique mais l'œuvre n'en a pas la sévérité. Le visage encore rond de la fillette se détourne ; le regard s'anime par un léger creusement de la matière, la couleur de la terre cuite ajoute à l'impression de vrai. Les portraits que Jean-Antoine Houdon fit de ses propres enfants apparaissent aussi comme des exemples d'une sculpture réaliste. En effet, Houdon traduit à chaque fois l'essence d'un individu.
188. Guillaume Ier Coustou, 1677-1746
Chevaux de Marly. Chevaux retenus par un palefrenier , 1743 -1745, H. 3,55 m ; L. 2,84 m ; P 1,15 m, groupe, marbre de Carrare
Commandés en 1739 pour remplacer la Renommée et le Mercure de Coysevox à Marly, les deux Chevaux échappés retenus par des palefreniers de Guillaume Coustou (neveu de Coysevox) prirent rapidement le nom de Chevaux de Marly. Coustou renouvela l'exploit de son oncle en les taillant en deux ans dans deux blocs de marbre de Carrare de près de 100 m3. Ici, seul compte l'expression d'un mouvement traduisant grâce à des diagonales l'élan du cheval contrarié par le geste de l'homme. Coustou synthétise la puissance du classicisme et l'énergie du baroque. En 1795, les deux statues rejoindront celles de Coysevox Place de la Concorde puis seront remplacées en 1984 par des moulages afin d'être conservées au Louvre.
189. Jean-Baptiste Pigalle, 1714-1785
Mercure rattachant ses talonnières, 1744, H. 0,59 m ; L. 0,35 m ; P. 0,30 m, Statuette, marbre
La version en marbre de Mercure attachant ses talonnières est exécutée en 1744 lorsque Pigalle devient académicien ; l'attitude tournoyante de cette sculpture, où les lignes de force associent spirales et angles aigus répond parfaitement aux exigences de l'Académie royale, à savoir une connaissance de l'anatomie et une virtuosité technique de l'artiste.
Au salon de 1742, une copie en plâtre, placée à côté d'une Vénus, donne la signification du sujet. La déesse de l'Amour demande à Mercure d'aller chercher Psyché. Le messager se prépare donc en chaussant ses sandales ailées qui, avec le pétase, chapeau à large bord, l'aideront à se déplacer.
Au XVIIIe siècle, cette sculpture était très poétiquement intitulée Mercure se chaussant les ailes.
190. Jacopo della Quercia, vers 1371/74-1438
Vierge à l'Enfant, vers 1430-1435?, H. 1,78 m, Statue, bois polychrome
La Vierge à l'enfant demeure un des thèmes de prédilection de la Renaissance. Du début du XVe siècle, l'œuvre de Jacopo della Quercia provient peut-être d'un couvent de Ferrare. Bien que non signée, son attribution ne fait pourtant aucun doute. Les physionomies et les plis lourds et onctueux sont proches de ses œuvres documentées. Creusée au revers pour éviter le jeu du bois, la statue a gardé sa polychromie d'origine. Un récent nettoyage révèle la subtilité des rehauts des joues et la transparence des laques rouges. Sa monumentalité et son humanité marquent les préoccupations de son temps.
191. Benvenuto Cellini, 1500-1571
La nymphe de Fontainebleau, 1542-1543, H. 2,05 m ; L. 4,09 m, Haut-relief, bronze
Commandé vers 1540 pour la Porte Dorée de Fontainebleau, ce bas-relief monumental prenait place au portail d'Anet. Il rappelle l'origine du nom du château : une source découverte par des chiens lors d'une chasse. Le florentin Cellini s'attaqua pour la première fois de sa carrière à la difficile et prestigieuse technique du grand bronze. Orfèvre de formation, il essaie de lier monumentalité et ciselure des détails.
Sa nymphe, à la froide sensualité, présente formes allongées et ligne serpentine. Cette volontaire bizarrerie des proportions contraste avec le rendu vériste des animaux.
192. Gian Lorenzo Bernini dit Le Bernin, 1598-1680
Le cardinal Armand de Richelieu, 1640-1641, H. 0,84 m ; L. 0,70 m ; P. 0,32 m, buste marbre
Ce buste du Cardinal de Richelieu exécuté par le Bernin en 1640-41 est l'antithèse du style baroque de cet artiste. Ici, point de figure prise dans l'action, point d'étoffe volante. Le costume occupe une large place dans ce buste. Là encore, rien d'exubérant : il y a peu de plis.
La tête légèrement tournée vers la gauche, le Cardinal est impassible, conscient du pouvoir qu'il exerce en France.
L'artiste a travaillé d'après un portrait peint, ce qui explique ce quasi immobilisme.
La dimension humaine de ce portrait sévère s'exprime dans certains détails. Les cheveux du Cardinal sont hâtivement coiffés
Homme pressé, Richelieu a dû se vêtir rapidement : le deuxième bouton à peine mis.
Le marbre a été poli pour reproduire la texture de la moire.
193. Buonarroti Michelangelo, dit Michel-Ange, 1475-1564
Esclaves (mourants), 1513-1515, H. 2,09 m, Statues inachevées, marbre
En 1505, le pape Jules II commanda à Michel-Ange une tombe ornée de quarante statues. De multiples contretemps obligèrent l'artiste à modifier à plusieurs reprises ses projets. La tombe considérablement restreinte sera finie 40 ans après. Pour le second projet, en 1513, il entreprit les Esclaves du Louvre, incarnant à la fois les arts privés de la protection du pape, mais aussi le thème philosophique du conflit entre le corps et l'esprit de l'homme. Inachevés pour des raisons techniques ou de changement d'iconographie, ils manifestent la puissance jamais égalée de Michel-Ange. L'Esclave mourant annonce par sa ligne serpentine le courant maniériste, l'Esclave rebelle par la torsion de ses lignes brisées préfigure le baroque.
194. Antonio Canova, 1757-1822
Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, 1793, H. 1,55 m ; L. 1,68 m ; P 1,01 m, Groupe, marbre
Le célèbre groupe de Psyché et l'Amour (1793) d'Antonio Canova s'inscrit dans le courant néo-classique par son thème alors fréquemment traité. Endormie par les effluves empoisonnés d'un vase, Psyché se réveille grâce au baiser de l'Amour. Cette histoire se double du thème philosophique des quêtes éternelles de l'âme. Les réminiscences antiques sont sublimées par la perfection de la composition pyramidale, dynamisée par les lignes des ailes et la ronde sensuelle des bras. Ici, Canova affirme sa complète domination du marbre en creusant la matière et en animant la surface des corps de légers coups de râpe.
195. Tilman Riemenschneider, 1460-1531 vers
Vierge de l'Annonciation, vers 1460-1531, H. 0,53 m ; L. 0,40 m ; P 0,19 m, Statue, marbre avec rehauts de polychromie
Quelques sculptures en pierre se remarquent à la fin du Moyen Age dans la production allemande, plus habituellement en bois. Cette petite statue n'était ornée que de quelques rehauts de couleur sur la chevelure, les yeux, la bouche, les bordures des vêtements afin de laisser apparaître la précieuse apparence de l'albâtre. Séparée de son ange de l'Annonciation, elle s'insérait vraisemblablement dans un petit retable de dévotion privée. Le style de Riemenschneider, artiste de Wurzbourg, se retrouve dans les traits fins du visage, les plis cassés du manteau et le place à l'aube de la Renaisssance allemande.
196. Gregor Erhart, † 1540
Sainte Marie-Madeleine, 1510, H. 1,77 m ; L. 0,44 m ; P. 0,43 m, Statue, bois de tilleul polychrome
Le visage aux fossettes et les mains aux doigts carrés de cette statue en tilleul polychrome ont permis de l'attribuer au sculpteur d'Ulm, Gregor Erhart. Surnommée la " belle allemande ", cette œuvre, datée de 1510, paraît à la fois charnelle et pleine de retenue. Accrochée dans le chœur d'une église, peut-être celle des Dominicaines d'Augsbourg, elle mettait littéralement en scène Marie-Madeleine entourée d'anges, aujourd'hui disparus, qui l'enlevaient vers le ciel. Retirée à la Sainte-Baume, elle vivait nue, vêtue de ses longs cheveux et assistait ainsi tous les jours à des concerts célestes. Son léger déhanchement et sa nudité montrent un Gregor Erhart proche des recherches italiennes de la Renaissance.
197. Adrien De Vries, 1546-1626
Mercure et Psyché, 1593, H. 2,15m ; L.0,92m ; P.0,72m, Coupe ,Bronze
Le hollandais Adrien de Vries se forma dans le courant maniériste du début du XVIe siècle à Florence. Commandé en 1593 par Rodolphe II pour Prague, ce groupe de Mercure enlevant Psyché vers l'Olympe et son pendant Psyché et des Amours, maintenant à Stockholm, s'inscrivent dans un espace tridimensionnel. Répondant aux théories de son maître Jean Bologne, Adrien de Vries les conçoit pour être vus de tous côtés en invitant le regard à tourner par un jeu de courbes. L'usage du bronze lui permet d'évider les parties basses. La fluidité des lignes et les proportions enlevées apportent mouvement et dynamisme.
212. Pietro da Rimini
Actif dans la première moitié du XIVe siècle
Déposition de Croix, Première moitié du XIVe siècle, H. 0,430 m ; L. 0,357 m, Bois
Pietro da Rimini construit sa Déposition de croix sur un fond doré, délimité rigoureusement par les lignes de la croix et de l'échelle. La souplesse des personnages contraste avec la rigidité de ce cadre et dénote l'influence de Giotto dans la volonté de donner une masse corporelle aux figures. Pietro da Rimini, influente personnalité de l'école de Rimini, conserve pourtant certaines caractéristiques byzantines, notamment dans l'élongation du Christ et dans l'emploi dominant de la feuille d'or. Son apport original se manifeste dans l'expression des visages et la variété des attitudes.
Les feuilles dorées sont parcourues de lignes incisées qui tressent un réseau d'entrelacs sur le fond du panneau.
Les auréoles sont traitées avec précision et finesse. Elles offrent des motifs minutieux, gravés sur le fond doré.